Numéro 978 - Format Pdf

C’est de manière endémique que reprend en France l’affaire du voile qui avait éclaté à Creil en…1989. Tout récemment l’intervention d’un conseiller régional RN Julien Odoul a déclenché des torrents d’encre et des flots de salive chez les chroniqueurs télé. Ce numéro de Monde&Vie, au-delà du dossier, est presque entièrement consacré à ce sujet. Il est désormais acquis, jusqu’à la plus haute sphère du pouvoir, que le voile n’est pas simplement aujourd’hui une pièce d’étoffe, portée avec nostalgie par quelques femmes musulmanes qui voudraient simplement se souvenir de leurs origines. C’est devenu non seulement un étendard pour l’islam politique mais un enjeu dans le processus social de l’islamisation du pays, voulue par l’UOIF (aujourd’hui les musulmans de France) et ses commanditaires les Frères musul­mans. C’est Rémi Brague dans son livre de débat, coécrit avec un imam sénégalais, qui, en spécialiste attentif, explique (p. 28) que les conquêtes de l’islamisme, des deux côtés de la Méditerranée ne sont pas d’abord des conquêtes politiques. Les Frères musulmans ont lu Gramsci. Pour eux, la conquête du pouvoir n’est pas politique d’abord mais mentale d’abord. Il faut que la révolution, parce qu’elle est religieuse, commence dans les esprits, et en particulier pour les Frères, dans les esprits des musulmans eux-mêmes qui sont leur première cible. Dans ce combat culturel le concept d’islamophobie a une importance capitale, comme le montre Richard Dalleau (p. 10-12). Il est une arme pour protéger le développement d’une sociabilité islamique dans notre pays, conformément à une stratégie dont Roland Hureaux souligne qu’elle est internationale, et encouragée en sous-main depuis des années par les États-Unis (p. 8-9).Nous interrogeons aussi deux témoins qui sont aux antipodes l’un de l’autre ; Jean Messiha, député euro­péen, qui combat sur tous les plateaux contre l’islam politique (p. 14-15) et Zeina el Tibi, spécialiste de la condition féminine en islam (p. 21-22), qui nous rappelle que l’islam frériste, malgré la terrible pression sociale qu’il exerce en France, n’est pas tout l’islam et qu’il faut d’urgence « rouvrir les portes de l’inter­prétation »si l’on ne veut pas que le milliard de musulmans ne devienne comme un seul homme, promo­teurs dans le monde entier d’un islam politique et surtout sociétal, qui aurait alors indéniablement une dimension apocalyptique, renvoyant la liberté chrétienne parmi les magots de brocante.