Logo
Imprimer cette page
Monde & Vie

Secrétariat Monde & Vie

Entretien avec Ludovine de La Rochère 

La Manif pour tous avait appelé à voter contre Emmanuel Macron. Sa présidente, Ludovine de La Rochère, rappelle pourquoi.

Ludovine de La Rochère, La Manif pour tous avait clairement appelé à voter contre Emmanuel Macron. Peut-il faire pire que la loi Taubira ?

Nous avons souligné le danger que représentait Emmanuel Macron sur les questions ayant trait à la famille, qui sont des choix de civilisation. Il peut faire bien pire que la loi Taubira, puisqu’il veut mettre en œuvre ses conséquences les plus dramatiques, que la Manif pour tous avait stoppées en s’opposant à la procréation médicalement assistée (PMA) sans père et à la gestation pour autrui (GPA). Or, Emmanuel Macron est très favorable à la PMA sans père. Il s’inscrit dans la même logique que François Hollande, mais, tandis que ce dernier avait annoncé qu’il « suivrait » l’avis du Comité Consultatif National d’Ethique, qui est consultatif, son successeur, lui, a seulement dit qu’il le « verrait »… En réalité, Emmanuel Macron pense que ce qu’il appelle « l’égalité des droits des personnes LGBT » n’est pas encore complète et qu’il faut la parachever. Il ne s’agit pourtant pas d’une question d’égalité, puisque au regard de la procréation la situation de ces personnes n’a rien à voir avec les couples homme-femme ! Quant à la gestation pour autrui, il prétend y être opposé, mais en vérité il s’oppose seulement à la GPA « peu payée et subie », et pas à son principe. En outre, Emmanuel Macron veut reconnaître les enfants nés de GPA à l’étranger ; or c’est un faux problème, puisque ces enfants possèdent un acte de naissance, ainsi que la nationalité de leur pays de naissance. En outre, élevés sur le sol français par des Français, ils pourront acquérir plus tard la nationalité française au titre de l’article 21-12 du Code civil. En réalité, il s’agit de reconnaître les effets des contrats de GPA pour lever les freins psychologiques qui font obstacle à cette pratique, avant de nous dire dans quelque temps que puisqu’il existe un certain nombre de GPA, il faut les encadrer, c’est-à-dire les légaliser. La manœuvre est connue…

Qu’en est-il de la filiation ?

La conception que s’en fait Emmanuel Macron sous-tend tout ce que nous venons de dire. Dans son programme, il écrit que « la filiation est toujours un engagement, un statut que l’on endosse en se déclarant parent d’un enfant au regard du droit et en assumant les responsabilités qu’implique ce statut ». Il suffirait de se déclarer parent pour l’être. Ceci correspond à la revendication de l’inter-LGBT, qui voudrait fonder la filiation sur l’attachement parental, quels que soient le mode de conception, le genre des parents et aussi leur nombre ! On ne se situe ainsi que dans l’affectivité, ce qui est très fragile, mais ouvre à tout… Emmanuel Macron a donné de nombreux gages à l’inter-LGBT, et il est à craindre  qu’il ne soit d’ores et déjà plus libre de ses choix et des chantiers qu’il ouvrira. Il faut donc s’attendre à ce que le combat soit très âpre.

La Manif pour tous est-elle prête à y retourner ?

Elle s’y prépare très activement. Nous sommes en train de mettre en place le dispositif qui va nous permettre d’anticiper, en formant et en informant sur ces questions de manière renforcée et renouvelée. Nous suivrons de très près les projets législatifs et autres, pour mobiliser à temps.

Sur qui pouvez-vous compter en politique ? Les candidats dont on pouvait espérer qu’ils batailleraient sur ces sujets ne l’ont pas fait… Au contraire, lors du débat télévisé qui a réuni les onze candidats du premier tour, Benoît Hamon les a accusés d’avoir laissé leurs collaborateurs défiler avec les « intégristes » religieux, rangeant ainsi la Manif pour tous sur le même rang que les islamistes !  

Le simple fait d’être supposé proche des catholiques est une accusation, et la droite ne l’assume pas car elle est toujours dominée culturellement par la gauche et ses élus n’ont pas de vraie philosophie politique, ni de corpus d’idées, ni de réflexion conceptuelle. La droite n’est cimentée que par le libéralisme et les questions économiques, contrairement à la gauche, qui développe depuis longtemps une réflexion beaucoup plus large appuyée sur des études, des think tanks, des propositions, des concepts, des objectifs et une stratégie. Ainsi, je me suis entretenue longuement avec plusieurs candidats, dont François Fillon auquel j’ai longuement exposé une doctrine, une stratégie et des propositions ; mais il ne m’entendait pas. Ce n’est pas dans sa culture. Nous ne devons donc compter que sur la société civile, qui entraînera petit à petit les politiques. Voyez après mai 68 : la société n’a pas changé immédiatement, l’évolution a été progressive. J’envisage de la même manière le combat de fond que livre la Manif pour tous. Aujourd’hui nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes, mais nous sommes immensément nombreux.

Même si une partie de ceux qui ont suivi la Manif pour tous ont voté pour Macron ?

Chacun vote en conscience, mais ce que nous avons dit a été entendu et le public sait qu’un énorme défi va se poser. Nous devrons tous nous mobiliser pour le relever et j’espère que ceux qui ont voté pour Emmanuel Macron auront d’autant plus à cœur de se porter au secours des générations à venir. Je suis convaincue qu’ils n’ont pas renoncé et je compte aussi sur eux. 

Propos recueillis par Eric Letty

© 2015 - 2020 Monde & Vie Tous droits réservés