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Abbé de Tanoüarn

Rédacteur en chef

Entretien avec Paul-Marie Coûteaux

Paul-Marie Coûteaux, faut-il sortir de l’euro ?  

Il faut être politique. Ce n’est pas parce que l’euro est une mauvaise chose que l’on peut ou que l’on doit en partir. Comme disait Jean-Pierre Chevènement, « l’avion va dans une mauvaise direction. Ce n’est pas pour cela qu’il faut ouvrir le hublot et sauter à l’extérieur ». La vérité c’est qu’effectivement l’euro est une mauvaise chose pour notre économie, mais on ne voit pas comment il est possible d’en sortir. Ne l’oublions pas : la politique est l’art du possible. Il y a des choses que nous pouvons faire : reprendre le contrôle de nos frontières par exemple, assainir un Etat qui ne vit aujourd’hui que de sa dette. Pour parler plus spécifiquement de la monnaie, le pilotage politique de l’euro que l’on est parvenu à imposer à l’Allemagne est un moindre mal.

Que pensez-vous de l’obsession monétaire que développe un Florian Philippot au Front national ?

Je vois bien à quoi répond la stratégie de Philippot. D’abord il va chercher des voix là où il y en a, c’est-à-dire à gauche. Et en même temps, du point de vue théorique, il a une pensée stricte de la souveraineté. En soi, il est clair que cette idée de la souveraineté s’adresse aussi bien à la droite qu’à la gauche. Mais ce qui est vrai en théorie ne se vérifie pas toujours en pratique. En pratique, la stratégie du « Ni droite ni gauche » est tombée sur un os qui s’appelle Mélenchon. La nébuleuse mariniste s’inscrit dans cette recherche des voix de gauche, d’un souverainisme de gauche, recherche qui est vouée à l’échec. Le discours idéologique pur de la souveraineté se heurte au fait qu’il n’y a plus de patriotisme à gauche. Le cas le plus frappant est celui de Jean-Pierre Chevènement : il représente un socialisme patriote à la Jaurès, qui n’existe plus. La gauche américaine a tout mangé. Résultat : la souveraineté est devenue un thème de droite.

Mais la droite, c’est bien autre chose que la souveraineté, c’est aussi la défense de la civilisation ?  

Je crois qu’on peut dire que le souverainisme comporte trois volets : il y a la lutte pour l’indépendance nationale, au nom de laquelle on puisse mener une politique étrangère clairement arrimée sur les intérêts français dans le monde ; il y a la défense de l’État en France, contre toutes les féodalités syndicales et autres, et bien sûr contre les multinationales. On disait autrefois : « Le roi est empereur dans son royaume ». Seule la nation est capable de défendre l’intérêt général. Si c’est une région (prenons la région Nouvelle Aquitaine) qui le fait, ce sera moins bien fait que si c’est l’État national qui défend les citoyens. Mais il existe un troisième volet de la souveraineté, dont on parle moins souvent, et qui a pourtant été très efficace : il s’agit de défendre l’identité française, à travers une industrie culturelle comme le cinéma, que l’on a volontairement soustraite au jeu mortel du libre-échangisme généralisé. Dans les années 90, cela marchait très bien et des mesures ont été prises, qui ont permis par exemple de sauver le cinéma français. Il y a une souveraineté culturelle, qui permet de défendre notre identité. Certains sommets de la francophonie, en particulier celui qui eut lieu dans les années 90 sur l’île Maurice, avaient bien montré le lien entre souveraineté et identité. Au fond, le souverainisme est un programme minimal complet. Il ne sert à rien d’opposer le culturel, le civilisationnel d’un côté et le politique de l’autre. L’État est le gardien de l’indépendance, de l’impartialité et de la culture d’une nation. Tout cela fait un corps commun, comme j’en avais eu l’intuition en créant le SIEL, ce parti qui défendait à la fois la souveraineté, l’identité et la liberté de tous.

Pourquoi ces différentes dimensions de la souveraineté sont-elles souvent opposées ?  

C’est au Front national qu’on oppose souvent l’identité et la souveraineté, sans se rendre compte que ces deux dimensions sont intrinsèquement liées. Le problème c’est qu’ils n’ont pas fait le travail idéologique nécessaire. C’est la limite de Marine Le Pen, qui ne veut pas d’un travail de fond. Elle se contente de ramasser des thèmes, sans s’interroger sur la manière dont ils sont liés entre eux et sans faire le travail de la prudence politique. Sur l’euro, on dira : c’est une cochonnerie donc il faut en sortir. Non : les choses sont plus complexes. Mais les Le Pen, père et fille, ont toujours fait de la politique de cette manière : ils foncent sur un thème, mais sans l’instruire, uniquement sensibles au magot électoral. Il suffit de se trouver en face d’un débatteur qui sait ce qu’il dit, comme Emmanuel Macron et toutes ces impréparations éclatent au grand jour. Vous allez me dire que je suis gramsciste et donc marxiste, dans mon éloge de la culture, alors je me réfèrerai une fois de plus au général de Gaulle, qui disait de manière très parlante : « Au fond des victoires d’Alexandre le Grand, on trouvera toujours Aristote ».

Où en est l’union des droites ?  

On peut trouver des paradigmes communs. C’est ce qu’a montré l’affaire dite du plagiat. Je fournis le même matériel, intentionnellement, à Fillon et à Le Pen et ils l’utilisent tous les deux. Ce n’est pas pour rien que Fillon a répété plusieurs fois qu’il était souverainiste. On aurait pu assister à un retrait progressif de la supranationalité de son programme. Les urnes en ont décidé autrement. Mais je crois que par exemple, sur des grands thèmes comme la tradition française, l’école, et l’écologie environnementale, rattachée à ce que j’appellerais la nature humaine, l’union des droites est immédiatement possible. Il faut en finir avec ce Front national qui, créant face à lui le Front républicain, fait obstacle à l’alternance. Le plan de François Mitterrand continue à fonctionner 30 ans après. Cela doit cesser et je pense que cela va cesser, parce que le Front national ne perdurera pas longtemps.

Que signifie le départ de Marion ?  

Marion est partie parce qu’elle a compris qu’il n’y avait pas de débat au Front national, qui continuerait sur une logique non gouvernementale. Je crois qu’elle a définitivement pris sa décision après le débat manqué entre sa tante et Emmanuel Macron. C’est très logique ce qu’elle fait. Il faut qu’elle se protège. À 28 ans, elle a le temps pour elle, c’est plus facile de se mettre en réserve qu’à 65 ans.

Pour vous c’est un problème de personnes ?  

Il y a une vraie défaite, il faut en tirer les leçons. 33 % au second tour, cela prouve que le logiciel ne marche pas. Les Philippot font de la politique avec les sondages mais sans le recul historique et politique nécessaire. Il s’agit de trois ou quatre personnes qui écartent ce qui n’est pas eux. Marine Le Pen elle-même a multiplié les erreurs. Il faut que tout cela disparaisse pour recréer un grand Parti national et populaire qui ne soit ni la droite hors les murs, ni l’UMP, ni le Front national. On va assister d’abord à la démobilisation des électeurs du Front, lassés par l’échec. Et c’est à partir de ce moment-là qu’il faudra reconstruire et trouver une figure pour incarner le nouveau mouvement. Mais justement Marion Maréchal à terme pourrait prendre la tête de ce mouvement, libéré de la machine à perdre qu’est le Front national.  

Propos recueillis par l’abbé Guillaume de Tanoüarn

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