Fraternité forcée

Brahim est drôle. Brahim est comédien. Brahim a du succès. Brahim est beur. Brahim a une famille. Brahim a un frère, Mourad. Le Prix du succès analyse la période où Brahim va vouloir échapper à son “identité” communautaire, donc à sa communauté : fraternité forcée des immigrés et de leurs descendants, religion musulmane décalée par rapport aux mœurs françaises, famille cocon qui vire cellule, il rejette tout ; et donc son frère Mourad, son mentor, son chauffeur, son agent, son producteur, qui est devenu son boulet. Le film est une belle histoire d’émancipation (sans surprise narrative, certes, mais qu’importe) tournée avec une très belle intensité : caméra portée, montage nerveux, gros plans dramatiques, brusques accélérations, on se croirait dans un film de braquage. C’est très intelligent car cela évite les longs dialogues où chacun dissèque son moi, affreux travers des “comédies psychologiques” françaises. Le jeu des acteurs est très physique : déplacements, postures, ton et débit de la voix, chaque personnage est d’abord une présence précise, les rôles les plus minces bénéficiant de visages marquants, pour exister. Tahar Rahim retrouve un rôle à sa mesure avec ce personnage en pleine mutation (un peu veule ?), auquel il prête son visage poupin, et Roschdy Zem est simplement parfait, voire bouleversant, en grand frère dépassé et désormais déplacé dans ce nouveau monde. Le réalisateur (d’origine gitane) n’hésite pas à traiter du rapport explosif que les immigrés de première et deuxième génération entretiennent avec la société française contemporaine : les revendications communautaires incessantes constituent un sous-thème d’ambiance (sans connotation politique) qui explique l’entre-deux permanent où se situe, malgré lui, Brahim : le réalisateur installe avec naturel tous les ressorts narratifs dans les premières minutes, puis laisse courir son histoire, à la pente fatale, avec un très beau sens du rythme.

Le Prix du succès, de Teddy Lussi-Modeste : solide, prévisible, sensible.