« Nous pensons qu’en France, le sursaut est possible, que les Français vont à nouveau s’aimer eux-mêmes et s’aimer entre eux, pour se redécouvrir tels qu’ils sont : viscéralement catholiques. »

Numéro en cours

Eric Letty

Editorialiste

Au-delà de la compassion

Je ne donnerai pas dans l’universelle affliction qui a entouré la mort des dessinateurs de Charlie-Hebdo. Non que j’approuve l’attentat barbare qui les a frappés : le meurtre est hideux en soi et leurs dessins, aussi infects qu’ils aient été, ne valaient certes pas la mort d’un homme, encore moins de douze. Mais les ayant tenus, de leur vivant, pour des pourrisseurs d’esprit, je ferais preuve d’hypocrisie en affectant de les considérer autrement par la seule raison de leur décès tragique.

Ma compassion va d’abord aux victimes « collatérales », dont on par le pourtant moins, à Frédéric Boisseau qui travaillait à la réception de l’immeuble, aux deux policiers tués, ainsi qu’aux proches de toutes les victimes, qui sont aujourd’hui dans la peine. Mais je ne saurais con - sidérer les journalistes de Charlie Hebdo comme des « héros », comme l’a dit François Hollande.

L’actuel président de la République et son prédécesseur ont appelé à l’unité nationale ; mais je ne me souviens pas que Charb, Cabu, Tignous ou Wolinski aient jamais fait grand cas de la nation, qu’ils conspuaient au contraire, comme ils conspuaient la famille, les valeurs traditionnelles ; et, bien sûr, les religions. « C’était des gens tellement vivants, qui avaient à coeur de faire plaisir aux gens, de les faire rire, de leur donner des idées généreuses. C’était des gens très bons », s’est lamenté dans Libération Philippe Val, ancien directeur de Charlie-Hebdo. Mais si les dessinateurs de Charlie faisaient rire les bobos, c’était toujours aux dépens des « cons », c’est-à-dire des braves gens, des Français moyens ou des croyants – à quelque religion qu’ils appartinssent –, qu’ils caricaturaient de manière obscène ou odieuse.

Loin de moi l’idée d’excuser les fanatiques criminels qui ont débarqué au conseil de rédaction pour faire un massacre à la kalachnikov. Les dessinateurs de Charlie, semaine après semaine, traînaient dans la boue le catholicisme et jamais les catholiques n’ont songé à leur faire la peau. C’est sans doute la différence entre l’islam et le christianisme : le Christ nous commande de pardonner à ceux qui nous ont offensés et de prier pour eux; les islamistes ne connaissent que la loi du talion. Mais aussi iconoclaste que paraisse cette idée dans le grand mouvement compassionnel qui a saisi la France, les morts de Charlie-Hebdo ont aussi leur part de responsabilité dans la violence dont ils ont été les victimes, parce que dans leur religion de l’anti-religion, ils n’ont pas craint d’outrager les âmes et de blesser les consciences dans ce qu’elles ont de plus intime.

Le président de la République a ordonné un jour de deuil national. Je suis libre de choisir mes héros : le cas échéant, plutôt que parmi les stars de la presse parisienne, je les chercherai parmi les victimes anonymes, par exemple les citoyens français sur lesquels un fou d’Allah a lancé sa voiture à Dijon. Les journalistes qui prétendaient, par crainte des « amalgames », qu’il ne s’agissait que d’un déséquilibré, criant « Allahou akbar » sans intention délibérée, en sont-ils toujours aussi sûrs aujourd’hui?

Il entre beaucoup d’hypocrisie dans le traitement que les médias ont réservé à la fusillade de Charlie-Hebdo : d’abord dans la hiérarchie implicite des victimes – les journalistes appartiennent à une caste démocratiquement supérieure ; ensuite, dans l’analyse, personne n’ayant osé suggérer qu’en contribuant activement au désarmement moral de la nation française et en militant depuis des décennies en faveur de l’immigration de masse, facteur de déracinement, ils ont favorisé l’émergence du mal qui les a tués. L’émotion passée, il faudra bien que vienne le temps de la réflexion.

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