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Eric Letty

Editorialiste

Le sixième commandement

Le Président de la République et son gouvernement ont passé un cap. Jusqu’à présent, on pouvait les trouver méprisants à l’égard des Français et brutaux dans la répression des Gilets jaunes, leur reprocher de trahir les intérêts français en ratifiant le pacte de Marrakech, en signant le traité d’Aix-la-Chapelle avec l’Allemagne, en appliquant les calamiteux traités de libre-échange avec le Mercosur et le Canada. Mais ils n’avaient pas encore transgressé le sixième commandement : « Tu ne tueras point ».Depuis le 11 juillet, c’est chose faite. Ce jour-là, Vincent Lambert a été tué. Peu importe que cet assassinat se soit paré des apparences de la légalité : ce qui est légal est loin d’être toujours légitime. Vincent Lambert était un Français comme n’importe quel autre, avant d’être victime de l’accident qui l’a laissé lourdement handicapé, dans un état « pauci-relationnel », ne nécessitant pas d’autre « soin », toutefois, que celui d’être alimenté et hydraté par sonde. Et l’on a du mal à s’expliquer un tel acharnement à supprimer cet homme.Acharnement des trois médecins successifs, qui ont tenté d’engager le protocole meurtrier plusieurs fois entre 2013 et 2019, et n’ont jamais accepté qu’il soit transféré dans un établissement spécialisé dans l’accueil de ce type de handicap.Acharnement des tribunaux, y compris de la Cour européenne des droits de l’homme, qui autorisa, dès 2015, sa mise à mort – en dépit de la protestation publique de certains de ses membres, pour la plupart originaires d’Europe de l’Est, qui rappelaient à juste titre que « l’eau et la nourriture représentent deux éléments essentiels au maintien de la vie et intimement liés à la dignité humaine ».Acharnement d’une grande partie de la presse, qui a travesti les faits et désinformé l’opinion. Le 20 mai dernier, Le Monde évoquait ainsi « l’arrêt des traitements »de Vincent Lambert, alors qu’il s’agissait de l’alimentation et de l’hydratation ; affirmait qu’il était « en état végétatif depuis 2008 »,alors que son état de conscience était altéré, mais qu’il pouvait voir, entendre, sourire, pleurer…   (Au reste, quand bien même se fût-il trouvé en état « végétatif »ou en coma prolongé, cela aurait-il justifié qu’on le tue ?).Et le journaliste précisait, comme en passant, que ses parents étaient « proches des catholiques intégristes de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X »– ce qui devait convaincre les lecteurs que l’on n’avait pas affaire à un père et une mère résolus à sauver leur fils, mais à de furieux obscurantistes accrochés à des idées passéistes.Acharnement, aussi, du gouvernement. Le 20 mai, alors que les médecins du CHU de Reims avaient déjà enclenché leur« protocole », Emmanuel Macron, imploré par les parents de Vincent Lambert, leur avait répondu qu’il ne lui appartenait pas de suspendre le processus de mort. Ponce Pilate se lavait les mains. Pourtant, après la décision de la Cour d’appel ordonnant la reprise de l’alimentation interrompue, le ministre de la Santé, Agnès Buzyn, n’hésita pas à saisir la Cour de cassation pour casser ce jugement. Dans ce sens-là, apparemment, rien ne s’opposait à l’intervention du Pouvoir. Par ailleurs, il dérogeait ainsi aux engagements pris par la France, signataire de la Convention des droits des personnes handicapées aux Nations Unies…Fallait-il que l’enjeu soit important ! Cet enjeu, les juges dissidents de la Cour des droits de l’homme l’avaient pointé en 2015 :« Cette affaire est une affaire d’euthanasie quine veut pas dire son nom », avaient-ils déclaré. Voilà pourquoi Vincent Lambert devait mourir, de faim et de soif, au bout de neuf longs jours d’agonie. Il s’agit, une fois de plus, de préparer les esprits à une nouvelle avancée des forces de mort. Qui Macron et ses comparses pensent-ils servir ?

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