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Eric Letty

Editorialiste

Macron et ses revirements

Les revirements d’Emmanuel Macron face à l’épidémie de coronavirus sont représentatifs de sa manière de gouverner, bâtie sur la communication comme en témoignent ses discours successifs et les injonctions paradoxales qui en résultent pour les Français.Rappel chronologique. Le 7 mars, alors que l’épidémie tuait déjà en France, Emmanuel Macron assistait à une pièce de théâtre pour montrer aux Français qu’il n’y avait aucune raison, « de modifier nos habitudes de sortie ». Le11, il prononçait, sur fond de tour Eiffel, une allocution grandiloquente, appelant nos compatriotes à ne renoncer« à rien »: ni aux terrasses et aux fêtes de soir d’été (on était en hiver !), ni à « la liberté de blasphémer », qu’il eût été dommage d’oublier en ces temps d’épidémie, ni bien sûr aux « valeurs de la République »… Le 12, il annonçait le maintien des élections, mais la fermeture des crèches et des écoles ; suivie, le 14, de celle des bars, des restaurants, des théâtres (pour les fêtes de soirs d’été en hiver, c’était fichu…) Le 16, enfin, il faisait la morale aux Parisiens qui, profitant du retour du soleil, avaient choisi de baguenauder au parc avant, après ou au lieu de voter. Que ne tournent-ils aussi vite que la girouette présidentielle ?Dans ce discours du 16 mars, Macron a répété six fois, avec la solennité d’un histrion mal doué, que « nous sommes en guerre », pastichant le discours de François Hollande, qui avait employé ce mot quinze fois après l’attentat contre Charlie-Hebdo. Le coronavirus n’est pas Daech et une épidémie n’est pas une guerre ; pourtant, les deux fléaux ont en commun la frontière. Le 12 mars encore, Macron prétendait « éviter le repli nationaliste »parce que « le virus n’a pas de passeport ». Contraint parla dure réalité à renoncer partiellement à son idéologie mondialiste, il n’a pu empêcher l’Union européenne de fermer ses frontières. Accessoirement, les pays voisins –l’Allemagne, l’Espagne, en ont profité pour fermer les leurs au sein même de l’espace Schengen. Et depuis le 17 mars, les Français eux-mêmes sont confinés dans les frontières étroites de leurs domiciles par le virus sans passeport. Echec du laisser faire, laisser passer.Mais échec aussi, en parallèle, de l’État-Providence. Certains médecins, dont le virologue marseillais Didier Raoult insistent sur l’importance des mesures de dépistage et de traitement de la maladie, plus que sur le confinement. Mais pour dépister et traiter, il faut en avoir les moyens. Or, contrairement à ce qu’a prétendu le gouvernement, la France n’est pas prête. Elle ne dispose pas de suffisamment de places en réanimation pour accueillir un grand nombre de malades. Les Allemands ont28 000 lits en soins intensifs, les Français 5 500. Elle n’a pas assez de tests pour tester toute sa population comme le conseille l’OMS. Ni assez de masques, en dépit de ce que prétend Sibeth N’diaye, porte-mensonge du gouvernement : les autorités n’ont même pas été en mesure d’en fournir pour protéger les médecins et infirmières, qui travaillent sans protection. « Tous ces fiers enfants de la Gaule allaient sans pain et sans souliers »: on connaît la chanson ; mais elle finit mal pour les héros. Selon l’urologue Gérard Maudrux, ancien président de la Caisse de retraite des médecins, il existait encore, en2009, un stock de 723 millions de masques de protectionFFP2 (ceux que réclament les médecins). Pourquoi, alors, cette pénurie ? Parce que, fin 2011, Xavier Bertrand étant ministre de la Santé, il a été décidé que la constitution des stocks de masques FFP2 relèverait des hôpitaux. Depuis, rien n’a été fait pour reconstituer le stock disparu. En attendant l’arrivée, fin mars, de 35 millions de masques commandés fin février seulement, Emmanuel Macron et son nouveau ministre Olivier Véran ont donc cyniquement menti aux médecins pendant des semaines, en leur promettant des masques sous 48 heures. C’est ainsi que l’État trompe les Français, après les avoir trahis.

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