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Eric Letty

Editorialiste

Ecce Homo

Les promoteurs de la culture de mort n’ont pas obtenu la victoire qu’ils escomptaient. Le 8 avril dernier, l’Assemblée nationale n’a pas adopté la proposition de loi du député Olivier Falorni « donnant le droit à une fin de vie libre et choisie ».Cet échec des partisans de l’euthanasie, qui n’est malheureusement pas définitif, est dû à une manœuvre parfaitement légale. En déposant trois mille amendements, des députés courageux (saluons en particulier l’engagement d’Emmanuelle Ménard, Xavier Breton, Thibaut Bazin, Patrick Hetzel, Marc Le Fur, Julien Ravier, Frédéric Reiss) ont empêché que ce texte soit discuté et voté dans le temps imparti (une journée).Falorni a dénoncé « l’obstruction d’un quarteron de parlementaires », mais il est évident qu’un sujet de cette importance ne pouvait pas être examiné dans un délai si bref. En la présentant en commission à l’Assemblée nationale, il avait d’ailleurs lui-même convenu que sa proposition de loi posait « une question existentielle ».C’est aussi l’opinion du député (LR) Xavier Breton, qui a déclaré qu’elle « nous invite à une rupture, à la transgression d’un interdit majeur de notre société : ne pas provoquer délibérément la mort ». L’article premier prévoit, en effet, d’autoriser « une assistance médicalisée active à mourir », à « toute personne capable et majeure, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, provoquant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qu’elle juge insupportable. »Sinistre assistance, que celle qui consiste à tuer !Vu l’importance du sujet, on aurait pu penser que le gouvernement se prononcerait nettement, dans un sens ou dans l’autre – et le souvenir du meurtre légal commis en 2019 sur Vincent Lambert, avec le consentement d’Emmanuel Macron, laissait craindre que le sens choisi ne soit pas le bon et que l’on ne se dirige vers une légalisation de ce genre de pratiques…Or, le gouvernement est resté circonspect, voire absent :ainsi, n’avait-il pas jugé utile d’être représenté lors de la présentation de la proposition de loi par Falorni devant la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale. Jean Castex et Olivier Véran n’ont d’ailleurs pas appuyé l’initiative du député, le ministre de la Santé estimant que la situation actuelle ne se prêtait pas à l’ouverture d’un tel débat et préférant mettre l’accent sur la loi Claeys-Leonetti, qui s’applique actuellement. Celle-ci autorise une sédation profonde et continue jusqu’au décès, mais l’euthanasie « active »reste interdite. Or, les sectateurs de la culture de mort doivent faire sauter ce verrou, si imparfait et ambigu soit-il, pour ouvrir réellement la brèche qu’ils n’auront de cesse ensuite d’élargir, comme en partant de la loi Veil ils ont élargi l’accès à l’avortement.Ils ne renoncent d’ailleurs pas et ont demandé au gouvernement d’ouvrir le débat avant la fin du quinquennat. Il n’est pas certain qu’ils obtiennent gain de cause, au moins tant que les caciques de la macronie n’auront pas complètement imposé la détestable loi dite de bioéthique. Mais la bataille continue, avec pour enjeux la défense de la vie et la dignité des hommes.À ce sujet, j’ai lu, sur le site Internet du Monde, une intéressante observation émise par le professeur Régis Aubry, ex-président de l’Observatoire national de la fin de vie et membre du Conseil consultatif national d’éthique : « Je suis impressionné par le nombre de personnes qui expriment une demande de mort parce qu’elles se sentent indignes ou inutiles. Il revient à notre société de considérer qu’une personne, à la fin de sa vie, n’est pas indigne », écrit ce médecin. Au contraire, en assimilant le suicide assisté ou l’euthanasie à une mort « dans la dignité », les propagandistes de la culture de mort signifient, au rebours, que l’homme souffrant l’a perdue. À cela, l’anthropologie chrétienne répond parles mots prophétiques de Pilate montrant Jésus à la foule après la flagellation : « Ecce homo ». Voilà l’homme.

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