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Eric Letty

Editorialiste

L’euthanazisme au programme de la macronie

Sous la présidence d’Emmanuel Macron, de la loi dite de « bioéthique » à l’allongement du délai pour avorter en passant par l’assassinat légal de Vincent Lambert, la culture de mort n’a cessé de progresser. Le pouvoir envisage aujourd’hui d’inscrire le prétendu “droit” à l’avortement dans la Constitution et prépare la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté, à laquelle le Comité consultatif national d’éthique, fort mal nommé, a donné son aval le 13septembre dernier.

À en croire les sondages, les Français, plus effrayés par la souffrance que par la mort, sont très majoritairement favorables à cette dernière mesure ; mais ceux qui répondent aux sondages sont en général en bonne santé. Penseront-ils de même quand la fin sera imminente ? Quand vient son heure, l’athée n’échappe sans doute pas aux interrogations sur le sens et le bilan de sa vie, l’éventualité d’un au-delà de la mort ou l’existence de Dieu : on peut douter de l’incroyance comme de la foi. Et pour le chrétien, la question des fins dernières revêt alors tout son sens.

Sur la croix, « Dieu souffre et meurt », rappelait le cardinal Ratzinger dans son livre La mort et l’au-delà : « il meurt dans un cri, après avoir connu l’angoisse d’un total abandon », en acceptant la condition humaine « jusqu’à son extrême abaissement ». Ce mystère de la Croix est devenu étranger à notre société, comme le montre le slogan “mourir dans la dignité” –qui sous-entend a contrario, dans une conception utilitariste de l’être humain, que l’homme souffrant a perdu sa dignité. À l’opposé de l’humilité de Dieu cloué sur le bois du supplice, l’orgueil humain dénie ainsi toute valeur à l’existence du faible et du malade en phase terminale. Cette idéologie mortifère ne diffère pas fondamentalement du nazisme, même si elle se déguise sous le masque de ce que saint Jean-Paul II appelle, dans l’encyclique Evangelium Vitae, « une inquiétante “perversion” de la pitié ». Au contraire, la foi chrétienne « est consentement à la vie jusque dans son occultation par la souffrance », parce qu’elle est « un don et un reflet de Dieu », rappelait Joseph Ratzinger. Il concluait que, même si elle peut et doit être endiguée, « l’homme qui se soustrait à la souffrance se refuse à la vie ».

Une telle parole est inaudible par l’homme contemporain – qui espère échapper à la douleur grâce aux progrès de la médecine, voire, à défaut, par la mort provoquée ou le suicide assisté. Au reste, Jean-Paul II convenait que le « comportement héroïque » qui conduit à accepter la douleur pour participer à la Passion du Seigneur n’est pas un devoir pour tous. Il opposait à l’euthanasie les soins palliatifs et déclarait licite le recours aux narcotiques pour supprimer la douleur, même s’il a pour effet « d’amoindrir la conscience et d’abréger la vie », à certaines conditions et sans intention de rechercher la mort.

À côté de cette dimension spirituelle, la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté en aune autre, profane et politique. La conception de la personne humaine portée par notre civilisation héritière du christianisme en serait considérablement modifiée, dans une société française qui s’enfonce de plus en plus dans le matérialisme. On devine l’intérêt économique que représentent pour le pouvoir ces pratiques létales, qui permettraient de réduire le coût très élevé de la dépendance et de la fin de vie. L’euthanasie aurait pour effet prévisible de convaincre la personne âgée ou malade qu’elle représente, pour la société et aussi pour sa famille, un poids dont il ne tiendrait qu’à elle de les soulager. Par une complète inversion des valeurs, finir sa vie de manière naturelle serait ainsi assimilé à un comportement égoïste et se donner la mort à une décision altruiste…

Les promoteurs de l’euthanasie et du suicide assisté promettent que ces pratiques seront encadrées, maison a vu avec l’avortement que les digues ne tiennent pas quand la loi ouvre une brèche dans le principe du respect de la vie. Dans La Croix du 24 septembre, le député macroniste Sacha Houlié, président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, convient d’ailleurs que les futurs élargissements sont déjà envisagés : des « préventions initiales » sont nécessaires « pour faire émerger un consensus fort », dit-il, mais « quand on crée un droit nouveau, on ne peut pas prévoir avec certitudes ses évolutions futures. » À bon entendeur…

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