« Nous pensons qu’en France, le sursaut est possible, que les Français vont à nouveau s’aimer eux-mêmes et s’aimer entre eux, pour se redécouvrir tels qu’ils sont : viscéralement catholiques. »

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Entretien avec Jean Yves Le Gallou

Au fil des mois et des années, fondé par Jean-Yves Le Gallou, dont on connaît le parcours d’énarque courageux, engagé d’abord auprès de Jean-Marie Le Pen et de Bruno Mégret, l’Institut Polemia s’affirme comme un Think Tank incontournable pour la droite nationale. Il offre ici aux lecteurs de Monde & Vie une analyse du Front national, sur le fil du rasoir, entre pragmatisme et convictions, qui se laisse regarder comme une sorte d’instantané impitoyable du paysage politique difficile dans lequel évolue – vers la victoire ? – le parti de Marine Le Pen. Extraits. 

Jean-Yves Le Gallou, à travers l’Institut Polémia, vous développez un certain nombre d’études sur le contexte médiatique ou politique dans lequel nous évoluons tous. Vous observez ainsi le Front national « avec bienveillance » comme vous l’écrivez vous-même et en même temps de façon objective. Quel rôle joue-t-il dans la société française ? Est-ce une sorte de déversoir ? Ou une tête de Turc ? Est-il parvenu à représenter une force politique de gouvernement selon l’ambition souvent affichée par Marine Le Pen ?

JYLG : Depuis son émergence, le Front national est un cri de douleur du peuple qui n’est ni écouté ni consulté sur les questions fondamen­tales. Ce cri est de plus en plus fort, les enjeux étant de plus en plus graves et les électeurs se laissant de moins en moins berner par la fausse al­ternance UMP-PS. Il faut souligner que le moteur principal de la progression du FN depuis 2007 tient moins à sa stratégie propre qu’à la double déception qui a suivi l’élection de Sarkozy en 2007 et de François Hollande en 2012. C’est une chance pour le Front national, mais aussi un formidable défi. S’il devait un jour accéder au pouvoir (hypothèse que l’on ne peut plus exclure), il devra montrer rapidement qu’il engage la France dans une voie différente de celle que nous suivons depuis 1968-1973.

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Quel serait le message fort que le Pays comprendrait immédiatement ?

JYLG : En l’état de la situation française, je crois qu’au regard de l’histoire mais aussi des attentes de l’électorat, le changement le plus profond et le plus radical peut-être concerne l’arrêt des politiques migratoires, pour mettre un terme au grand remplacement des populations. Cette question a un impact culturel, civilisationnel et religieux fondamental. Au regard de cet enjeu, les questions monétaires ou économiques paraissent dérisoires. On ne s’engage pas en politique pour un taux de change mais pour la défense d’une identité.

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Les élections départementales, sans être un échec pour le FN, ont à nouveau démontré les limites de son succès. Il semble qu’il s’est une fois de plus heurté au fameux « plafond de verre » qui le cantonnerait implacablement dans l’opposition. Mais de quoi est fait ce plafond de verre ?

JYLG : Si le Front national faisait vraiment peur, le gouvernement ne s’empresserait pas de faire voter une série de lois liberticides – sur le renseignement, sur la presse – qui, entre les mains du FN pourraient se retourner contre eux. C’est en tout cas du moins ce qu’ils devraient penser. Le vrai problème du Front national, c’est celui des alliances. Il n’y a pas d’exemples en Europe de partis politiques obtenant à lui tout seul la majorité absolue des suffrages. L’analyse électorale que nous pouvons faire aujourd’hui est extrêmement simple : là où le Front national est le mieux à même de gagner, c’est là où il est opposé à un candidat de gauche. Cela représente les 9/10è des cantons gagnés aux dernières élections. Marine Le Pen, en 2017, ne peut avoir une chance de l’emporter que si elle est opposée à un candidat de gauche. L’arithmétique électorale du FN aujourd’hui est simple : une voix prise à l’UMP vaut deux voix prises à la gauche. Evidemment une voix est une voix qu’elle vienne du PS ou de l’UMP, mais comme le FN ne peut gagner que face au PS, il faut prioritairement affaiblir l’UMP, pour que le PS passe devant au Premier tour. Il s’agit donc de passer l’UMP à la centrifugeuse, en dissociant ses élites centristes de son électorat droitier. Encore faut-il envoyer des signes à cet électorat, soit en termes de valeurs, soit en termes de liberté économique.

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Mais que reste-t-il justement des libertés économiques quand on glorifie l’Etat stratège ou l’Etat providence, en exaltant le maintien de la retraite à 60 ans, pour ne prendre que l’exemple le plus emblématique ?

JYLG : Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Le concept d’Etat stratège n’est pas à rejeter. Le Qatar ou l’Allemagne ont été avec succès des Etats stratèges. Mais pour être un Etat stratège, encore faut-il avoir de l’argent dans les caisses. Je rappelle qu’en France le déficit de la balance des paiements courants est de 50 à 100 milliards par an. Quand le quart des dépenses de l’Etat est financé non par l’impôt mais par la dette, ce n’est pas très réaliste de parler d’Etat stratège. Le redressement des comptes est un préalable à tout discours sérieux sur ce sujet.De ce point de vue, certaines mesures comme le retour à la retraite à 60 ans, que vous évoquez, ne sont pas crédibles. Elles sont facilement agitées comme un épouvantail à électeurs modérés. Ce genre de proposition ne fait pas gagner une voix (on ne vote pas Front en pensant sa retraite), mais cela peut en faire perdre, en fragilisant la crédibilité politique du Parti qui soutient ces mesures. Ajoutons que, une fois arrivé au Pouvoir, ce genre de promesses, particulièrement vi­sibles, sont particulièrement difficiles à tenir et donc risquent de devenir source de ce qui pourra passer par la suite pour une trahison dans une partie de l’électorat.

Ceci est un extrait de l'entretien paru dans le numéro 907 en vente dans notre espace boutique

Propos recueillis par Alain Hasso

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