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Christophe Mahieu

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Le pape qui n’a pas été applaudi

Le synode sur la famille s’est clos le dimanche 25 octobre par un discours du Pape. Nous savons désormais que ceux qui, depuis un an, ont défendu la doctrine face aux conceptions relativistes allemandes ne sont pas dans son cœur.

L’année passée, François s’était placé au-dessus de la mêlée par un ton fédérateur en annonçant qu’en tant que pape, il devra décider lui-même selon les propres termes du Droit canon. Cette fois, il a adopté un ton clivant avalisant de fait la rupture créée depuis l’année passée. Ce Synode 2015 a dit le pape « signifie avoir témoigné à tous que l’Évangile demeure pour l’Église la source vive d’éternelle nouveauté, contre qui veut “l’endoctriner” en pierres mortes à lancer contre les autres. Il signifie encore avoir mis à nu les cœurs fermés qui souvent se cachent jusque derrière les enseignements de l’Église ou derrière les bonnes intentions pour s’asseoir sur la cathèdre de Moïse et juger, quelquefois avec supériorité et superficialité, les cas difficiles et les familles blessées. » Plus loin, il s’en est pris à l’esprit de conspiration (ce qu’il avait déjà fait le deuxième jour du synode) et de fermeture, afin de « défendre et [de] répandre la liberté des enfants de Dieu, pour transmettre la beauté de la Nouveauté chrétienne, quelquefois recouverte par la rouille d’un langage archaïque ou simplement incompréhensible. »Toutes ces familles qui maintiennent l’institution intacte, en dépit des tentations, des attaques extérieures et des lois anti-familles, apprécieront. Toute cette majorité silencieuse, qui utilise des pierres afin de fonder sur le roc et non sur le sable jugeront ces propos à leur juste valeur. Jean-Paul II et Benoît XVI voulaient faire de ces familles les piliers du renouveau. François, lui, semble les avoir oubliées au cours d’un synode piégé dès le départ, c’est-à-dire depuis cette fameuse relation d’étape qui ne reflétait nullement l’avis des pères synodaux en 2014.

Un climat malsain

Or, qui a souhaité que la question des divorcés-remariés s’inscrive dans les débats ? Qui a validé ce rapport d’étape 2014 rédigé par Mgr Bruno Forte dont on connaît les options progressistes ? Qui a voulu que l’instrument de travail entre les deux synodes, reprenne cette question qui, pourtant, n’a pas obtenu la majorité des deux tiers au cours du synode 2014 ? Qui a écarté de la liste des pères synodaux les « conservateurs » afin de faire basculer une majorité en faveur d’une « évolution » de la doctrine? Qui a laissé peser le doute en restant flou sur les procédures des débats et leur retranscription par une commission désignée par le pape ? Qui a souhaité séparer la doctrine de la pastorale et, pire, de la miséricorde comme si la doctrine n’était pas elle-même essentiellement miséricordieuse ?Il y a un an, nous avions qualifié les événements du Synode 2014 de coup d’État par le haut. Une sorte de Concile Vatican III à l’envers où la majorité, imprégnée par la culture familiale de Jean-Paul II, se voyait imposer une feuille de route par une minorité bénéficiant de l’appui du pape. « Conspiration » ou coup de force… peu importe le terme. En plaçant la question de la communion des divorcés-remariés au centre, le pape François bloquait lui-même les débats pendant les sessions plénières : ne pas en parler eut été une menace au regard des intentions d’une minorité, en parler constituait un risque que les débats se centralisent uniquement sur cette question. L’inquiétude de nombreux cardinaux et évêques, exprimée entre autres dans cette lettre rendue publique par le vaticaniste Sandro Magister, est à elle-seule révélatrice de ce climat malsain.

Amour incompris

Mais, au fond, seul le pape est responsable de ce blocage. Et il est heureux que les groupes linguistiques aient pu travailler dans le sens de l’Évangile afin d’alimenter 91 autres paragraphes que François pourra utiliser – ou non - afin d’écrire une exhortation apostolique, comme il est d’usage. Que l’on ne se méprenne pas. Le pape aime les familles, un des thèmes centraux de ses interventions publiques pendant les années 2014-1015. Dans son dernier livre, le journaliste Jean-Louis de La Vaissière a réalisé une synthèse remarquable de cet engagement pontifical en faveur de cette « petite Église » qu’est la famille, « chef d’œuvre de la société […] qui a introduit la fraternité dans le monde », contre « la solitude de l’individu. ». Alors pourquoi ce goût amère ? Pourquoi aussi cette attaque pontificale envers les « conservateurs » comme si ces derniers n’étaient pas capable de compassion et de miséricorde à l’égard des douleurs de la séparation ?Il faudrait remonter aux années de Buenos-Aires et surtout à la culture jésuite de Jorge Bergoglio afin de trouver des clés de compréhension. Mais on peut raisonnablement se demander si ce discours clôturant ce Synode sur la famille, qu’il a lui-même souhaité, n’a pas des allures de défaite. Les votes des pères synodaux ont certes avalisé le document déjà interprété de façons différentes, mais une bonne partie d’entre eux n’a pas souhaité applaudir le pape à la fin de son discours. Au risque de briser une universalité dont pourtant la papauté se doit d’être la garante.  

Christophe Mahieu

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