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Gabrielle Cluzel

Journaliste
 

De la galanterie au viol

Il en est ainsi de tous les biens que l’on a trouvés dans son berceau : on les croit immuables. Et de ce fait, on se permet de faire la moue, de les critiquer, de les rêver différents. Ce n’est que quand ils sont menacés, que l’on en mesure soudain tout le prix, comme des parents que l’on a traités durement durant l’adolescence, mais que l’on affectionne sans conditions lorsqu’ils deviennent vieux et branlants : surtout ne changez rien ! On vous aime comme ça, avec tous vos défauts ! Les temps étranges que nous sommes en train de vivre ont cet avantage de faire redécouvrir aux Français leurs « acquis ». Juste avant qu’ils ne sombrent ? Jamais Noël n’a été plus touchant que cette année. Les chorales ont cessé de ratiociner sur l’opportunité d’entonner Il est né le divin enfant dans son ancienne ou dans sa nouvelle version, sur les origines controversées du Minuit chrétien et son caractère pompier, trop contentes de pouvoir “encore” chanter, sous la surveillance de deux soldats en faction sur le parvis. Les amateurs de crèches sobres et dépouillées ont cessé de s’écharper avec les promoteurs de crèches kitches et sulpiciennes, trop conscients que le spectacle, dans un lieu public, d’un petit Jésus quel qu’il soit est déjà une grande chance, le sapin lui-même, symbole ô combien moins connoté, étant déjà menacé, on l’a vu notamment sur le parvis de Notre-Dame.Jusqu’à à la galette de l’épiphanie qui nous paraît avoir un autre goût : nous nous plaignions autrefois que pas une entreprise, une école, un centre sportif, une association, un dîner en ville ne résiste à l’implacable tradition. Les doigts gras de frangipane, nous tentions de glisser la fève au fond de notre sac pour ne pas avoir à sacrifier au ridicule rituel de la couronne de travers sur la tête qui vous laisse un restant de pâte feuilletée accroché dans les cheveux. Mais c’était avant. Voilà qu’à présent, nous trouvons à tout cela un charme délicieusement réactionnaire, empreint de tradition, de religiosité, voire de nostalgie monarchique… parce qu’on l’on sent bien que le jour est proche, c’est hélas écrit, où la galette se verra vouée aux mêmes gémonies que la crèche. Selon une enquête BVA parue le 24 décembre, 68 % des Français préfèrent le réveillon de Noël à celui du Premier de l’an. Et ils le fêtent à plus de 80 % en famille. La famille qui est l’autre bien par excellence que l’on croyait inaliénable, la dotation initiale élémentaire du nourrisson. On découvre soudain, eu égard aux réformes sociétales, qu’elle n’est plus une évidence. Et l’on s’y accroche comme à un cocotier un jour de grand vent. C’est ce que montre une étude INSEE du mois de décembre, relayée et analysée par le journal Le Monde : Force est de constater que la « famille traditionnelle », n’a pas complètement explosé, demeurant « largement dominante par rapport aux familles monoparentales et recomposées » et que le mariage demeure, quoi que l’on en dise, « la solution conjugale la plus répandue ». Désireux sans doute de brouiller les pistes et de damer le pion des schémas par trop conservateurs, Le Monde affirme très sérieusement cependant que les familles nombreuses ne seraient pas, le plus souvent, des familles « traditionnelles » mais plus majoritairement des familles « recomposées ». On se gratte la tête, perplexe : comment Le Monde fait-il ses calculs ? De quelle façon les enfants de famille « recomposées » sont ils comptabilisés ? Comme appartenant à la nouvelle famille de papa ou celle de maman ? Aux deux familles à la fois ? Dans ce cas, en s’y mettant – si j’ose dire – à quatre, comment, en effet, les enfants ne seraient-ils pas plus nombreux ?En marge de cette analyse, Le Monde découvre que « hommes comme femmes perdent financièrement à se séparer, avec une perte plus importante pour les femmes : 20 % pour ces dernières contre 3 % pour les premiers ». La destruction de la famille nuit tout spécialement aux femmes, mais les féministes s’entêtent à vouloir tenir le marteau piqueur.Celles-ci aussi ont cru que la condition féminine occidentale, patiemment construite au fil des siècles, était une forteresse insubmersible. Bien des jeunes femmes, au contraire – comme le montre l’engouement général pour la série anglaise Downton Abbey, ou pour le feuilleton espagnol Grand-Hôtel, qui ne sont que courbettes, baise-mains, compliments, portes tenues, chaises tirées, et autres prévenances désuètes… – sentent confusément que cette déférence à l’endroit de la gent féminine propre à la vieille Europe est en train de s’éteindre. Et elles ont raison. Un article du New-York Times serait passé inaperçu s’il n’avait pas été relayé par le Figaro Madame : « La Norvège a mis en place un programme à destination des migrants de sexe masculin. L’objectif : leur apprendre les codes socio-culturels européens ». Selon le NYT, « la plupart des pays européens ont renoncé à ces questions d’adaptation par peur de stigmatiser les migrants comme violeurs potentiels et d’encourager les discours des politiques anti-immigration ».Le soir du réveillon, en Allemagne, de nombreuses agressions sexuelles ont été perpétrées par des migrants à Cologne, Hambourg et Stuttgart. « Ce sont des violences d’une dimension complètement nouvelle. Nous n’avons jamais connu quelque-chose du genre » a déclaré le président d’un syndicat de police local. Quand les féministes seront bien vieilles au soir, à la chandelle, elles regretteront la galanterie occidentale et leur fier dédain.  

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