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Eric Letty

Editorialiste

La sortie de l’euro est un choix politique

Magazine catholique et national, Monde&Vie doit aussi être un espace de débat au sein de la droite française. Je souhaite donc en ouvrir un aujourd’hui avec mon ami Bruno Larebière (voilà plus de trente ans que nous nous connaissons et il fut mon rédacteur en chef au Choc du mois, à une époque explosive) à la suite de l’entretien remarqué qu’il a donné dans notre dernier numéro et qui a été salué, en particulier, par Jean-Yves Camus. Je partage les critiques de Bruno Larebière à l’égard de l’étatisme – pas seulement en économie – et du centralisme jacobin, et considère, comme lui, que la France étouffe sous les règlements et les lois – ceux qu’émet la Commission européenne de Bruxelles venant s’ajouter à ceux que produisent le parlement et l’administration français. En revanche, je ne suis pas d’accord avec lui lorsqu’il dit que « La sortie de la zone euro n’est qu’un choix technique, dont l’importance politique a été exagérée ». Rester dans la zone euro ou en sortir est au contraire un choix éminemment politique – à moins de considérer que la souveraineté, le maintien d’une industrie nationale ou l’emploi ne sont pas des thèmes politiques. Alain Cotta le disait dans nos colonnes en novembre 2011 : « L’euro est une création politique, défendue par les politiques. » Et qui a eu pour résultat politique de priver les nations européennes du contrôle de leur propre monnaie et de transférer cette fonction régalienne à la Banque européenne, que Jean-Claude Trichet, lorsqu’il la dirigeait, déclarait « férocement indépendante » vis-à-vis des peuples européens et des gouvernements nationaux. En novembre 2015, s’exprimant à la Convention nationale de la Compagnie des Conseils et Experts Financiers (CCEF), l’économiste et financier libéral Charles Gave a raconté comment François Mitterrand avait naguère donné son blanc-seing à la réunification allemande en posant comme condition le passage à l’euro. Le président socialiste pensait éviter ainsi à la France d’être dominée par le Deutschmark. Helmuth Kohl ayant accepté, Mitterrand quitta la réunion en disant : « J’ai cloué la main de l’Allemagne sur la table de l’euro. » À cela près, a conclu Charles Gave, que c’est exactement le contraire qui s’est passé. À cause, entre autres, du coût que l’obésité de l’État français fait peser sur les entreprises françaises, et aussi de la politique de l’euro fort qui a profité à l’Allemagne, celle-ci a absorbé la croissance européenne, tandis que la Francea perdu 12 % de sa production industrielle sans pouvoir dévaluer pour permettre à ses entreprises de retrouver leur compétitivité. Or, comme l’explique encore Charles Gave, « en détruisant la rentabilité des entreprises françaises, l’euro nous amène à une hausse du chômage et à une augmentation du poids de l’État dans l’économie (…) parce qu’il faut bien rémunérer tous ces gens qui ne sont plus embauchés par les entrepreneurs ». La sortie de l’euro est bien une question politique. Elle est non seulement possible et souhaitable, mais si la France n’en fait pas le choix, elle sera satellisée par l’Allemagne – si toutefois la monnaie unique survit aux nouvelles tempêtes économiques qui menacent.

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