Logo
Imprimer cette page
Eric Letty

Editorialiste

La querelle des minoritaires bloque le pays

Gouvernement minoritaire contre syndicats minoritaires sur fond de violences des groupuscules d’extrême gauche : tous les Français sont aujourd’hui pris en otages par des gens qui ne représentent plus rien, mais qui tiennent tout.

La France débloque et la France est bloquée, otage des divisions et des querelles d’une gauche-pays légal, qui ne représente plus rien dans le pays réel, mais qui contrôle les structures de pouvoir, gouvernementales, syndicales ou médiatiques – le pouvoir législatif, pourtant lui aussi entre les mains des socialistes, n’a plus d’autorité, comme le montre le recours répété du premier ministre à l’article 49-3. Le 26 mai dernier, à l’Assemblée nationale, Manuel Valls s’en est pris à la CGT, « organisation minoritaire » dont il respecte l’histoire, mais qui, dit-il, ne fera pas la loi…Quant à l’histoire de la centrale aujourd’hui dirigée par Martinez (photo), on ne voit pas ce que ce vieux faux-nez du parti communiste, qui accompagna tous ses agenouillements devant les dictatures stalinienne et soviétique, ses compromissions et ses magouilles, a de si respectable. Mais les socialistes le savent sans doute mieux que quiconque, puisque voilà trois ans seulement, Christiane Taubira étant encore garde des Sceaux, une manœuvre socialiste avait failli aboutir, à la faveur d’un amendement, à amnistier les tripatouillages financiers du comité d’entreprise CGT d’EDF…Les cégétistes sont des ingrats. Mais ils ont beau jeu de rétorquer à Manuel Valls que son gouvernement est lui aussi très minoritaire dans le pays. Sa prétendue légitimité démocratique ne tient qu’à une majorité d’assemblée, qui s’effondrerait si des élections législatives étaient organisées aujourd’hui. Et son impopularité est presque aussi abyssale que celle du prétendu chef de l’État.Et pourtant, ce gouvernement minoritaire et ces syndicats qui ne le sont pas moins profitent de l’effarante atonie des droites occupées à leurs jeux partisans, pour confisquer le débat à gauche. Il existe d’ailleurs entre l’État et les organisations professionnelles – patronat compris – une très ancienne connivence, un jeu de dupes, mais dans lequel chaque comparse trouve son intérêt, qui garantit à chacun que l’autre ne passera pas des limites tacites, sous peine de menacer l’intérêt commun.L’État compliceCette complicité s’est mise en place dès le lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, à l’époque où les communistes furent appelés par le général De Gaulle à organiser la fonction publique (Thorez), l’énergie (Marcel Paul), l’Éducation nationale (Langevin et Wallon), et où l’État, avec l’assentiment et même la participation du patronat (qui ne se souvient des mallettes de l’UIMM ?) assura aux syndicats de solides sources de financement en les associant à la gestion de la Sécurité sociale par le paritarisme – en attendant l’Unedic et la formation professionnelle. Autant de mannes (voir le rapport Perruchot, que le gouvernement Sarkozy avait prudemment tenté d’enterrer).Le gouvernement ne gouverne l’État qu’en apparence. Les syndicats, qui ne représentent rien dans le secteur privé, se sont construit des bastions dans le secteur public, autrement dit dans la structure même du Léviathan. Mais tous prospèrent grâce à l’État et aucun n’a intérêt à vraiment le déstabiliser. Les syndicats finalement rentreront dans le rang, non sans que le gouvernement les ait défrayés de leur peine aux frais du contribuable : comme d’habitude, le secteur public, principal gisement de la clientèle, y trouvera son compte, tandis que le privé paiera les pots cassés. La négociation est déjà conclue : le gouvernement a commencé à payer la rançon. Au bout du compte, l’État tient les cordons de la bourse et comme le disait déjà Napoléon, celui qui paie commande. Reste les derniers acteurs de ce psychodrame de la gauche : les excités de l’extrême gauche, les militants de Nuit debout, les zadistes et les antifas. Ceux-là, crétins groupusculaires, assurent le spectacle, tandis que les choses sérieuses se passent ailleurs. Après s’être fait des frissons, ils rangeront les barres de fer et les cocktails molotov et redeviendront les petits bobos qu’ils sont par nature et par vocation. E finita la comedia. 

Hervé Bizien

© 2015 - 2020 Monde & Vie Tous droits réservés