Logo
Imprimer cette page
Eric Letty

Editorialiste

Macron, « troisième homme » ou baudruche ?

Lorsque paraîtra ce numéro de Monde&Vie, la « primaire » du parti socialiste – mais pas de la gauche – aura pris fin et le nom du champion retenu, Valls ou Hamon, sera connu. Ni l’un, ni l’autre n’ont de grandes chances de passer le premier tour de la vraie présidentielle. Cette « primaire » aura essentiellement montré que même à terre et le nez dans leur bilan, les socialistes parviennent encore à manipuler les chiffres et à inspirer aux Français le soupçon qu’ils ont triché.Le débat entre Hamon et Valls a aussi illustré la division de la gauche, PS compris, entre les deux tendances inconciliables qu’incarnent Mélenchon, et Macron. Que restera-t-il du PS à l’heure des comptes et de l’évaluation finale des dégâts ? Ce mollusque bivalve a-t-il encore sa place au sein du marécage politique ? Même François Hollande a paru se désintéresser de la comédie primaire, au point que certains commentateurs lui ont prêté le projet de saborder le PS pour soutenir Emmanuel Macron. Toutefois, ce président de la République si déconsidéré qu’il a lui-même préféré renoncer à entrer en lice pouvait-il se prononcer en faveur de tel ou tel des camarades candidats à sa succession ? Son attitude sera plus significative une fois le gagnant désigné : c’est maintenant que vont apparaître ses véritables intentions.Reste d’ailleurs à savoir ce que son soutien vaudrait à Macron. Les « grands médias » nous présentent ce dernier comme l’homme qui monte et sur lequel reposent les espérances de la gauche d’accommodement. On nous refait, en somme, le coup du « troisième homme », comme naguère avec Bayrou et comme hier avec Juppé. Macron, c’est en quelque sorte le Juppé de la deuxième chance. Or, on a vu ce que « pesait » réellement le maire de Bordeaux, que les journalistes et les sondeurs nous présentaient comme le probable vainqueur de la primaire de la droite. L’électorat de Macron, c’est peu ou prou celui de Juppé. Or, même avec l’appui de plusieurs centaines de milliers de voix venues de la gauche, ce dernier a échoué ; et sans cet appui, il n’aurait même pas figuré au deuxième tour face à Fillon.Certes, ce dernier s’est pris les pieds dans la pelote de Pénélope ; mais Macron aussi est éclaboussé par une « affaire » : deux journalistes l’accusent d’avoir dépensé 80 % de l’enveloppe annuelle accordée à son ministère au titre des frais de représentation, soit 120 000 euros en huit mois, principalement pour les besoins de sa communication personnelle. Surtout, sur qui peut-il compter ? Le centre droit et le centre gauche, dont il drague les électeurs en affirmant n’être ni de droite, ni de gauche ? Mais la France n’est pas au centre et il n’y a guère de chances ou de risques qu’elle le devienne en ce moment, alors que le pays ressemble à une cocotte sous pression d’où les passions sont prêtes à s’échapper comme d’une boîte de Pandore quand le couvercle sautera. Depuis douze ans au moins, les Français n’ont cessé de marquer par leurs votes la défiance que leur inspirent l’eurocratie, la technocratie et les oligarchies qui prétendent leur dicter leur avenir. Et ils éliraient un produit de la haute finance internationale, partisan avéré du primat de l’Europe de Bruxelles contre les nations, enfant prodige d’Attali, ancien secrétaire général de l’Élysée sous Hollande ? Même Cohn-Bendit affirme qu’il pourrait voter pour lui : c’est à cette aune que se juge la « jeunesse » des idées de Macron.Qui peut d’ailleurs dire précisément quelles idées agite le dernier espoir de la gauche bofric (bourgeoise-friquée) ? Pour l’instant, Macron se cantonne à ce qu’il sait et aime faire : la com’ et le flou ; mais comme les autres, il va devoir sortir du bois et préciser son programme. C’est là qu’il sera attendu.   

© 2015 - 2020 Monde & Vie Tous droits réservés