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Eric Letty

Editorialiste

Foi de charbonnier !

«Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. »C’est ainsi que commence le récit de la Genèse, dans la Bible et c’est aussi le titre d’un passionnant petit livre que publia le cardinal Ratzinger avant qu’il ne devînt Benoît XVI. Le futur pape y expliquait qu’à une époque où les hommes voyaient dans le monde le siège de puissances démoniaques, l’Ecriture leur montrait qu’il était l’oeuvre de Dieu. Voilà peu de temps encore, c’était si évident que l’on n’imaginait plus à quel point ce regard sur le monde avait pu être nouveau. Aujourd’hui, pourtant, cette évidence est niée, y compris au sein de l’Église catholique à en juger par ce qui s’est passé en marge du synode sur l’Amazonie, avec la vénération jusque dans les églises romaines et les jardins du Vatican de statuettes indiennes de la Terre-Mère, la Pachamama, déesse de la fécondité.Cette affaire s’inscrit dans une tendance syncrétiste, également illustrée par la co-signature, à Abu Dhabi, par le pape François et le Grand Imam de la mosquée Al-Azhar, Ahmad Al-Tayeb, d’un document dans lequel on peut lire que « le pluralisme et les diversités des religions (…) sont une sage volonté divine ».Voilà qui me rappelle les propos de Mohamed-Christophe Bilek, Kabyle converti au catholicisme qui s’était vu fermer au nez la porte de l’Église catholique d’Algérie, qui jugeait préférable (mais pour qui ?) qu’il restât musulman. Jésus – disait-il à peu près – nous a fait enfants de Dieu. C’est un trésor inestimable, auprès duquel le paradis musulman avec ses houris et ses fontaines de vin fait pâle figure. Or, Il nous a demandé de partager ce trésor avec les autres ; et si nous le gardons pour nous, nous sommes des salauds. Mohamed-Christophe Bilek dit vrai : pour entrer au royaume des enfants de Dieu, Jésus est la seule porte. Le pape Jean-Paul II écrivait que« quiconque lit le Coran(…) percevra clairement le processus de réduction dont la Révélation divine y est l’objet ».Le Christ n’a pas été crucifié pour que la Révélation divine soit réduite.Il règne actuellement dans l’Église une atmosphère pernicieuse. D’un côté, Mgr Viganò, par exemple, citant l’Apocalypse, parle de «l’abomination de la désolation » et dénonce « une nouvelle forme d’apostasie ».De l’autre, le pape déclare qu’il n’a « pas peur des schismes », bien qu’il « prie pour qu’il n’yen ait pas parce qu’il en va de la santé spirituelle de beaucoup de gens ». Ce qui estbien le moins de la part du Vicaire du Christ, responsable de l’unité de son Corps mystique. C’est, me semble-t-il, ce qu’il ne faut pas oublier : l’Église est le Corps mystique du Christ, qui en est la tête. Elle est conduite par le Saint-Esprit, qui ne peut ni se tromper, ni nous tromper, dit l’acte de foi. Les tempêtes onttoujours soufflé sur elle et continueront jusqu’à la fin du monde : elle est la femme de l’Apocalypse qui accouche dans la souffrance. À son propos, Jésus a promis au premier pape que « la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle ».Depuis la Croix et la Résurrection, la victoire de l’Église est acquise et les coups de queue de la Bête, aussi dangereux soient-ils pour les âmes des hommes, ne sont que ceux de son agonie. Il n’y a pas de quoi s’en émouvoir plus que de raison, encore moins perdre l’espérance. Georges Brassens chantait, dans sa chanson Le Mécréant: « Est-il en notre temps rien de plus odieux / De plus désespérant, que de n’pas croire en Dieu ? / J’voudrais avoir la foi, la foi d’mon charbonnier / Qui est heureux comme un pape et c… comme un panier. »Le pape est moins heureux qu’on ne le dit et le panier moins c… qu’il n’y paraît ; quant à moi, je demande à Dieu la foi du charbonnier.

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