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Eric Letty

Editorialiste

La confession est un secret catholique

Des flots d’encre après des flots de larmes. Le rapport Sauvé sur les violences sexuelles commises sur des mineurs au sein de l’Église catholique a déjà fait l’objet de nombreux commentaires, auxquels j’ajouterai pourtant quelques réflexions.En premier lieu, concernant l’intention qui a poussé la Conférence des évêques de France à le commander. Il est louable de vouloir faire la lumière sur des actes criminels d’autant plus insupportables qu’ils ont été perpétrés par des chrétiens, et à plus forte raison des prêtres, apôtres de Jésus-Christ. Même si une petite minorité d’entre eux seulement est concernée, cela suffit à jeter l’opprobre sur l’ensemble des serviteurs de Dieu et les dégâts psychologiques et spirituels sur les victimes sont considérables. Il était donc indispensable de vider l’abcès, ce dont les évêques ont chargé une « commission indépendante ». C’est une première interrogation. Il ne manque pas de clercs et de laïcs catholiques qui auraient pu s’en charger sans rien dissimuler, ni relativiser. Les évêques ont-ils craint que leur bonne foi ne soit pas suffisamment établie aux yeux de l’opinion publique ? En ce cas, on peut se demander dans quelle mesure la légitime recherche de la vérité n’est pas corrompue par un souci de communication.Une seconde réflexion porte sur la composition de la Commission. « Il nous fallait une personnalité irréprochable », a déclaré soeur Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieux et religieuses en France. Irréprochable n’est pas le mot que j’emploierais pour qualifier Jean-Marc Sauvé, vice-président honoraire du Conseil d’État, qui autorisa l’homicide légal commis sur Vincent Lambert. Parmi les collaborateurs qu’il s’est choisis pour réaliser son rapport, figurent d’autres personnalités dont l’impartialité est sujette à caution. Enfin, le chiffre de 330 000 actes de pédophilie commis par des clercs et des laïcs, qui repose sur des estimations et des extrapolations, m’amène à m’interroger sur la totale indépendance de la commission, sachant l’importance de la symbolique – et du chiffre 33 – pour la franc-maçonnerie. Nos évêques n’ont-ils pas péché par naïveté ?Indépendante ou pas, le risque que la commission outrepassât les missions qui lui était confiées était d’autant plus grand que leur définition était imprécise, concernant notamment la « prévention de la répétition de tels drames ». Les propositions avancées par le rapport Sauvé en matière de théologie, d’ecclésiologie et de morale sexuelle, émanant de personnalités souvent étrangères au catholicisme en dépit de la présence au sein de la commission d’un professeur de droit canonique et d’un théologien, font bon marché de leurs conséquences pour la foi catholique. J’observe que, l’esprit du temps aidant, les tendances homosexuelles d’une partie des prêtres, qui peuvent conduire à des comportements scandaleux à l’égard d’adolescents, sont moins mises en cause que le secret de la confession, abusivement associé à l’attitude de certains évêques qui ont fait l’autruche au lieu de prendre les mesures propres à éviter des récidives. Or, le sacrement de pénitence est au coeur de la vie chrétienne, puisqu’il est porte du salut. À travers le prêtre, le pécheur qui se confesse s’adresse en réalité à Jésus. Si sa repentance et sa volonté de s’amender sont sincères, la faute avouée, quel que soit la gravité du crime commis, est enfouie dans le pardon de Dieu, qui ne se situe pas sur le même plan que la justice des hommes. Un ami païen s’étonnait récemment devant moi d’une phrase de Chesterton évoquant le tragique chrétien. Il ne pensait pas, me disait-il, que le christianisme fût tragique. C’est pourtant ce tragique chrétien qu’abrite le confessionnal ; l’homme pécheur y rencontre la miséricorde divine crucifiée, qui plaide pour lui devant la Justice de Dieu par la vertu du sacrifice du Juste. Quelle que soit leur bonne volonté, peut-on attendre de membres de la Commission non catholiques qu’ils pénètrent vraiment ce mystère ? Et peut-il être compris de ceux qui, comme le ministre de l’Intérieur ou le premier ministre, affirment que les lois d’une République laïque de plus en plus marquée d’athéisme, sont supérieures à celles de Dieu ?

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