« Nous pensons qu’en France, le sursaut est possible, que les Français vont à nouveau s’aimer eux-mêmes et s’aimer entre eux, pour se redécouvrir tels qu’ils sont : viscéralement catholiques. »

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Entretien avec Bruno Gollnisch : " Patriotes de tous les pays unissez-vous ! "

Bruno Gollnisch est membre du Front national et député non-inscrit au Parlement européen. Il incarne dans le mouvement dirigé par Marine Le Pen, un courant résolument catholique et conservateur. Sa parfaite connaissance des institutions européennes et son ouverture sur l’international lui donne une autorité que tous lui reconnaissent au FN, malgré les oppositions internes.

Bruno Gollnisch, on a l’impression, à vous entendre raconter vos nombreux déplacements à l’étranger, que le Front national y a meilleure réputation qu’en France ?

En Europe et aussi hors d’Europe, beaucoup de gens ont perçu que, défendant notre identité nationale contre un certain mondialisme, nous défendions aussi leur identité. Je pense à l’Afrique : Vital Kaméré, président de l’Assemblée nationale de la République Démocratique du Congo (ex-Congo Belge, NDLR) avait ouvert le Congrès de son parti par une adresse de Jean-Marie Le Pen et de moi-même. Aujourd’hui il va se présenter contre Joseph Kabila le président sortant. Les Asiatiques nous font aussi un large accueil : je vais tout à l’heure au siège du Correspondant de la NHK, la télévision japonaise. Au Japon nous connaissons très bien M. Kimura et son association Reconquista, qui avait reçu officiellement Jean-Marie Le Pen. Je dirais, c’est vraiment : « Nationalistes de tous les pays, unissez-vous ». Il faut nous souvenir que notre nationalisme – notre attachement national – n’est pas un nationalisme révolutionnaire, agressif ou conquérant mais une défense légitime de notre identité et de notre liberté. On a pu le vérifier lors de la récente réunion organisée par Marine Le Pen, avec les droites européennes à Coblence, où l’on trouvait, outre un député britannique et un député roumain les Allemands d’Alternativ für Deutschland, les Néerlandais du PVV, le FPÖ autrichien, les Flamands de Belgique, les Italiens de la Ligue du nord.

Vous êtes député européen : que faites-vous à l’Assemblée de Strasbourg ?

L’Assemblée européenne, qui est à Strasbourg quatre jours par mois, légifère sur tous les sujets, dans tous les domaines et ces lois s’imposent aux États membres. Quant à l’Assemblée nationale, c’est resté une assemblée politique, représentative, mais la plus grande part de son travail législatif consiste à retranscrire les textes européens en droit français. L’outil principal de la législation européenne, c’est la directive ou loi-cadre européenne ; elle est obligatoire dans ses buts mais on laisse à chaque État le soin de la transcrire, selon la répartition des compétences. En Allemagne, c’est entre l’État fédéral et les Länder. En France, les articles 34 et 37 de la Constitution restreignent le domaine de la Loi et, selon les sujets traités, ils font la part des décrets gouvernementaux.

Vous dites que la majeure partie des Lois vient du Parlement européen. Vous avez un chiffre ?

Le Conseil d’État a déclaré que 75 % des textes législatifs français étaient la transcription du droit européen ; il faut ajouter qu’en tout état de cause, nos juridictions donneront forcément la priorité aux décisions européennes par rapport aux décisions purement nationales. Il résulte de tout ce système une véritable dépossession de notre souveraineté.

Face à ce système qui a tout cadenassé, que pourriez-vous faire si vous étiez élu ?

En cas d’élection, nous exigerions d’abord de recouvrer notre souveraineté territoriale. Il s’agit de faire en sorte qu’en France la politique d’immigration soit décidée par la France et non par l’Union européenne sur l’ensemble de l’espace Schengen. En réalité, beaucoup d’États ont déjà repris un peu leur liberté sur ce point, profitant d’une clause de sauvegarde que l’on trouve dans les accords de Schengen. La Hongrie par exemple a fait jouer cette clause, mais c’est évidemment de façon provisoire. On nous dit justement souvent : « Vous ne pouvez pas contrôler les frontières de la France ». En réalité, nous voulons contrôler le droit d’accès au territoire national, ce qui signifie évidemment une sortie ou une suspension des accords de Schengen. Nous refusons les quotas de migrants que l’on veut nous imposer en vertu de ces accords.

Que représente le Brexit ? Un ballon d’essai pour le Frexit, pour une sortie de la France de la zone UE ?

Le Brexit représente une réaction populaire anglaise contre l’immigration européenne et la libre circulation des citoyens de l’Union. Quant à l’immigration d’origine extra-européenne, la Grande Bretagne de toute façon n’en veut pas. Ne faisant pas partie de Schengen, elle pouvait refuser les immigrés extra-européens, même nantis d’un titre de circulation dans l’Union européenne. Il faut bien reconnaître qu’ils ont un peu crié avant d’avoir mal : c’est la perspective de contraintes réglementaires qui les ont fait voter pour la sortie.

Vous voulez quitter l’Union européenne ?

Nous voulons surtout, avec notre souveraineté territoriale, retrouver une souveraineté financière, c’est-à-dire la maîtrise de notre politique monétaire. Il ne s’agit pas pour nous de poser des oukases mais d’entrer dans une négociation possible. Cela peut prendre de multiples formes, par exemple la rupture avec la monnaie unique et le retour à une monnaie commune. Il y a eu l’ECU, longtemps, qui représentait la moyenne des monnaies nationales, mais ne se substituait pas à elles. Mais elle servait dans les négociations internationales, représentant ce que l’on appelait un panier de monnaies : 20 % pour le mark, pour le franc, pour la lire ; 10 % pour le florin ou le franc belge. Et les monnaies pouvaient fluctuer, au sein du serpent monétaire. La monnaie commune était recalculée chaque jour. Cette forme était à la fois respectueuse de la souveraineté de chaque nation et compatible avec des relations commerciales internationales. De toute façon, on y viendra. Chacun est d’ores et déjà obligé de reconnaître qu’un pays qui n’a pas autorité sur sa monnaie n’a pas autorité sur les résultats économiques et sur les niveaux sociaux dans son pays.

Et le système législatif que vous venez de nous décrire, ces lois qui sont toutes débattues à Strasbourg et rédigées à Bruxelles ?

C’est le troisième point du programme du Front national : nous voulons aussi recouvrer notre souveraineté législative. Aujourd’hui on met très souvent en avant le principe de subsidiarité. C’est au prix d’une belle inversion sur ce qu’il signifie en droit social. Le principe de subsidiarité, dont le pape Pie XI a rappelé l’importance, consiste, en soi, à considérer que la dignité des différents corps sociaux (la famille, les professions, les collectivités locales) veut que les échelons supérieurs laissent aux échelons inférieurs la capacité de gérer tout ce qui peut relever de leur compétence. Quand aujourd’hui la Commission invoque le principe de subsidiarité, cela signifie exactement le contraire. Il s’agit d’affirmer que l’Union européenne ne s’occupera que de ce qu’elle peut faire mieux que les États membres. Dans la pratique, sous prétexte d’harmonisation, dans tous les domaines, l’Union se déclare plus apte à agir, plus apte à légiférer que les États membres.

Et c’est peut-être vrai, les institutions européennes sont plus efficaces ?

Il ne s’agit pas d’efficacité. Le fonctionnement de ces institutions est animé par la volonté prométhéenne de s’immiscer dans tous les domaines de la vie de 500 millions d’Européens. Tel est le microclimat ou le messianisme de cette institution, qui se croit appelée à donner au monde entier les nouvelles valeurs et les nouveaux droits que ce monde attend. Je ne prendrais qu’un exemple : le domaine sexuel. Maintenant à tout propos, toutes les lois précisent les droits des LGBT, lesbiennes gay, Bi et trans auxquels il faut ajouter maintenant les Intersexuels (les hermaphrodites si vous voulez) et les queers (ceux qui refusent même les genres masculin et féminin). Cela signifie quoi ? Que rien de ce qui est même le plus intime ne doit être étranger au Législateur européen.

On peut parler, à propos de l’Union européenne, d’une technostructure redoutable par son poids et son organisation. Est-il réaliste de remettre en cause son fonctionnement ?

Beaucoup nous disent, c’est vrai, que c’est irréaliste de vouloir renégocier tout cela. Mais je pense que la situation évolue en ce moment dans le bon sens, en particulier sous l’emprise de trois facteurs principaux qui renforcent notre « bargaining power », notre capacité à mener l’affaire jusqu’au bout. Il y a d’abord le Brexit, bien sûr. Jusqu’à présent tout le monde se pressait aux portes de l’Union européenne, pour tenter d’y rentrer. Que la Grande Bretagne en sorte, c’est un événement qui fait réfléchir. Quand un État manifeste son intention de claquer la porte, c’est un signal pour les autres. Il y a ensuite M. Trump, qui a annoncé aux pays désireux de quitter l’UE qu’ils pourraient sans problème signer des accords bilatéraux avec les États-Unis. Enfin, un troisième facteur : il y a de plus en plus de gens qui pensent comme nous, nos idées avancent et pas seulement en France mais dans toute l’Europe. Nous allons trouver des appuis. D’autant plus que ce ne sont pas seulement des gens mais des États qui pensent comme nous, la Hongrie, la Pologne.

Vous n’êtes pas pour le Frexit ?

Ce n’est pas moi qui suis pour ou contre, ni Marine Le Pen, ni personne. Au Conseil européen, nous ferons savoir nos demandes. Ou bien nos partenaires acceptent une renégociation ou bien ils la refusent. S’ils refusent de renégocier, là il y aura un frexit. Mais vous savez la France est liée aux autres pays du monde par près de 4 500 traités. On ne peut pas dire que nous soyons guettés par l’isolationnisme. Simplement nous voulons retrouver pouvoir sur nous-mêmes. Mais cela participe d’un mouvement mondial. nPropos recueillis par Jean-Michel Hardy

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