Monde & Vie
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Choisir la France !
Notre vérité bien sûr, c’est la France, le véritable enjeu du maelström politique auquel nous assistons depuis de longs mois…
«J’ai combattu les projets d’En Marche à l’Assemblée Nationale, je n’appellerai pas à voter pour lui. Le PCD ne le fera pas non plus ». Le tweet de Jean-Frédéric Poisson après le succès attendu d’Emmanuel Macron (23,75 %) et de Marine Le Pen (21,53 %) au premier tour de l’élection présidentielle est courageux. Il dévoile l’échec du Front républicain, qui n’a plus d’existence que dans les cuisines électorales. Les électeurs, eux, ne mangent plus de cette soupe-là. Ils ont – c’est historique – un métro d’avance sur l’ensemble de la classe politique. La question n’est plus de savoir qui des socialistes ou des républicains gouvernera la France, mais quel changement effectif, quel renouvellement est possible. « La droite catholique va se déchirer absolument » tweete de son côté Sophie de Ravinel. La démocratie chrétienne a toujours eu un gros faible pour les institutions internationales, lorsqu’il a fallu les créer. Mais maintenant qu’elles fonctionnent à plein régime, imposant leur morale libertaire, leur économie délocalisée et leur société hors sol, il serait peut-être temps que les chrétiens réalisent qu’ils n’en sont plus à l’époque de De Gasperri, d’Adenauer et d’Edmond Michelet… Le choix est tout autre. On peut dire que les Français doivent choisir entre le pilotage automatique (ne toucher à rien !) la conduite accompagnée (il y a toujours quelqu’un avec vous pour vérifier ce que vous faites) et le permis de conduire (avec l’autonomie respectueuse qu’il confère dans la vie d’une nation comme dans l’existence d’un individu).
Il joue sur les peurs
Avec sa tête de jeune premier et de gendre idéal sur une face de la médaille, et sur le revers de la même médaille, dans un genre transgressif jusqu’à l’inexprimable, avec Brigitte, sa compagne qui pourrait être sa mère, le candidat d’En Marche a compris la peur inavouée de l’électorat français ; il joue sans vergogne sur cette peur en incarnant un discours « progressiste et sage », libertaire et libéral. Il cherche avant tout à rassurer et à donner de l’espoir. Il excelle dans le genre populisme mondain, joue avec les mots et semblent penser que les choses suivront. Il pratique le discours auto-réalisateur, les déclarations de bonnes intentions, sans jamais se soucier des moyens. Ce qu’il va changer ? L’un de ses lieutenants de circonstance l’a dit : « les pratiques et les visages ». Tempête dans un verre d’eau. Il ne changera ni les objectifs ni les moyens à utiliser, restant (c’est son ADN) foncièrement fidèle aux orientations de la superstructure mondiale. En face de lui, Marine Le Pen a un programme tranché : il s’agit de revenir à la France d’avant les années 80, une France fière d’elle-même, souveraine dans sa politique internationale, efficace dans l’ordre économique (tous les points forts économiques de la France, de l’aéronautique à l’espace, du nucléaire aux infrastructures remontent à cette France-là). Peut-on rendre aux Français la capacité de construire une France libre ? Est-on encore en capacité d’installer un protectionnisme intelligent, pour sauver des pans entiers de l’économie française qui s’effondre ? Ou faut-il s’en remettre aux décisions ultra-libérales de Bruxelles, dont le profit d’un très petit nombre est la seule règle ? Doit-on se résigner à considérer les Français comme des mineurs, auxquels on fait semblant de donner la parole dans des consultations électorales sur-médiatisées et absolument inutiles, parce que leur destin se décide à Bruxelles ? Il faut sortir de l’euro préconise Marine Le Pen et même sortir de l’UE, en faisant le pari (risqué) de la vider de son contenu en la quittant…Voilà le véritable enjeu que cette élection met à nu : la France va-t-elle continuer à vivre selon les lois et les mécanismes que lui imposent les Institutions internationales ? Ou bien réussira-t-elle, une fois encore dans son histoire, à s’affranchir de la tyrannie libéralo-libertaire ? Sans doute, cette élection ne suffit-elle pas pour obtenir une réponse à cette question fondamentale. Mais nous sommes en marche vers une redistribution des cartes, qui ira bien plus loin, si seulement on creuse les tendances que nous apercevons dans ce scrutin.
La victoire des populismes
Ce qui ressort de ce premier tour, c’est une victoire indubitable des populismes sur les soi-disant “Partis de Gouvernement”. Si l’on additionne les scores des Républicains à ceux du Parti Socialiste, on est à 27 % des suffrages exprimés : une catastrophe pour l’establishment, un drame pour le PS, catastrophe à gauche dont on parle le moins possible sur les Plateaux. Si l’on additionne les résultats des deux premiers, le populiste mondain ou verbal qu’est Macron et la populiste convaincue qu’est Marine Le Pen, et si l’on ajoute tel petit Parti, anti-européen, si l’on reconnaît enfin que Mélenchon, l’inventeur de la France insoumise, est fondamentalement populiste lui aussi, on est dans une démarche populiste qui concerne (de manière certes très différente) près de 70 % des électeurs. Les deux chiffres de 30 % pour les institutionnels et de 70 % pour les mécontents semblent vraiment sans appel. Pourquoi la droite s’acharne-t-elle à mettre sur le dos de François Fillon et des affaires, ce qui correspond à un affaiblissement historique des Partis de gouvernement ? La logique de la fausse alternance, front républicain contre Front national, où l’on obtenait toujours à l’arrivée la même politique, a semble-t-il vraiment lassé l’électeur, tout en faisant la fortune d’Emmanuel Macron, servi par un Benoît Hamon incapable de rassembler ses ouailles. Voilà qui suffit à montrer l’extrême fragilité du candidat Macron : il prétend refuser le Système tout en recueillant les voix de tous ceux qui ont peur du changement de système, et qui, comme des castors, ont voté pour lui afin de « faire barrage » aux réformes structurelles devenues nécessaires. Le candidat Macron est ce prestidigitateur qui prétend pouvoir tout changer sans rien changer. En même temps qu’il ouvre, il fait barrage. C’était déjà la logique sous-jacente des lois Macron I et II. Quel espace politique réel pourra-t-il occuper ? Il devra s’employer, ayant joué sur les peurs d’un électorat qui craint le grand saut anti-européen, à rassurer tout le monde en ne changeant rien, alors même que des changements profonds s’annoncent à l’horizon, changements voulus à notre avantage ou plus probablement changements subis à notre détriment…
Faire bloc
Il fera vraisemblablement comme François Hollande, en imposant de nouvelles réformes sociétales (il ne perd pas une occasion de dire avec quelle « ouverture », mais aussi avec quel « sérieux », il faut envisager la question de la GPA et dans l’immédiat, comme le demande l’Europe, reconnaître les enfants nés par GPA à l’étranger). Mais politiquement, ligoté par le caractère contradictoire de son succès électoral, brisé d’avance par le côté mondain, foncièrement mondain, du populisme qu’il professe, il risque d’enfoncer la France un peu plus dans le marasme. Sa seule différence d’avec son mentor politique, François Hollande ? Il ne se contentera pas de 200 000 immigrés légaux par an (chiffre déjà énorme qui n’a pas varié depuis Nicolas Sarkozy) et pourrait bien, au gré de l’actualité internationale, nous refaire le coup de Madame Merkel, recevant très vite toutes les demandes d’asile, dans un scénario généreux ultra médiatisé… Quand on réécoute son meeting de Marseille, c’est vraiment l’impression qu’il donne. Pour lui, l’immigration n’est pas un mal nécessaire qu’il faut limiter, c’est un bien pour la France, qu’il importe d’optimiser. Dans cette perspective, il me semble que le vote Le Pen au second tour n’est pas une option mais un devoir. On peut ne pas être d’accord avec la radicalité de son programme et appréhender, de sa part, une trop grande radicalité dans sa mise en œuvre. On peut penser par exemple, que la France n’a plus les moyens économiques d’une politique monétaire différente et qu’elle est littéralement immobilisée par ses 2 000 milliards de dette et par un budget qui, aujourd’hui, la fait vivre à crédit les quatre derniers mois de chaque année. On peut aussi nourrir contre la fille de Jean-Marie Le Pen ou contre la tante de Marion Le Pen toutes sortes de ressentiments. Mais ce deuxième tour, nous venons de le montrer, n’est pas une lutte entre des personnes mais entre des programmes. À ceux de nos lecteurs qui croient qu’il faut « faire barrage » à Marine pour protéger leurs économies, je dirais très simplement qu’elle a aujourd’hui le système contre elle, les partis contre elle, les médias contre elles et même les juges contre elle. Bref, elle ne risque guère de l’emporter. Il faut néanmoins qu’elle fasse plus que son score du premier tour, car, dans notre théatrocratie républicaine, avec la superstition démocratique qui nous reste en héritage, elle représente non le repli mais l’identité, non le calcul d’intérêts personnels mais la défense des valeurs, non le passé (c’est Macron le candidat du passé et l’on va très vite s’en rendre compte) mais l’avenir… Et il ne faut jamais insulter ce qui nous reste d’avenir ! Les premiers sondages la donnent aux alentours de 40 % au second tour. Ce sont ces 40 % de Français, soudés dans l’amour de la France et vaccinés contre la logique électorale des Partis de gouvernement, qui représentent l’avenir, en faisant bloc contre la politique de oui-oui… et encore oui.Les élections législatives vont sans doute voir se reformer le cartel des Partis, avec, en mot d’ordre, « tous à la gamelle ». Pour ce troisième et ce quatrième tour de l’élection présidentielle, pour ce cinquième et ce sixième tour si l’on compte les deux Primaires, il faudra être capable d’aller jusqu’au bout, d’en finir avec les partis institutionnels, si peu inventifs, si peu créatifs qu’ils renouvellent l’un et l’autre, socialistes et républicains, leur appel traditionnel à « faire barrage », sans se rendre compte qu’ainsi ils achèvent de se faire hara-kiri, se désignant eux-mêmes à l’avance comme responsables du cinglant échec que ne peut manquer de nous procurer le conservatisme progressiste de M. Macron.
Alain Hasso