Abbé de Tanoüarn
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« Les hommes et les femmes de terrain contre les élus hors-sol »
Et si Emmanuelle Ménard était la révélation politique de la nouvelle Assemblée nationale, qui n’apporte, il faut le dire, que bien peu de nouvelles têtes un peu remarquables, malgré tous les petits nouveaux qui se pressent dans l’Hémicycle ? C’est notre pari à Monde&Vie.
Vous avez été largement élue député de la VIe circonscription de l’Hérault. Que pensez-vous de la nouvelle assemblée dont vous faites partie, du travail qui y a été fait cet été et du travail que l’on peut y faire ?
Je suis une novice. À ce titre, j’ai commencé par ouvrir grand mes yeux et mes oreilles : observer et écouter est toujours très instructif. J’ai pu constater une grande pagaille dès les premiers jours. On a beaucoup parlé d’amateurisme. Je ne crois pas que cela puisse se réduire à cela. Emmanuel Macron a constitué une petite armée, qu’il souhaite à ses ordres. Cela fonctionne très bien avec certains. Un peu moins avec d’autres, qui ont une expérience politique, de droite ou de gauche d’ailleurs, et qui apprécient peu de se voir traiter en bons petits soldats forcément aux ordres… C’est vrai que les applaudissements sur commande ou le vote selon consignes, le petit doigt sur la couture du pantalon, ça ne donne pas de ces députés une image très flatteuse. Et certains se plaignent à juste titre de l’absence de consultation. Il faut dire que Monsieur Ferrand, président du groupe En marche, ne contribue pas à améliorer cette image. Comment voulez-vous qu’il soit crédible pour parler de « moralisation » de la vie politique ? Il a d’ailleurs été absent durant toute la discussion pour ne réapparaître qu’au moment des deux votes finaux… Bref, tout cela ne participe pas à convaincre que les Macronistes font, comme ils le clament haut et fort, de la politique autrement. Bien au contraire…
Vous avez twitté le 18 août : « la guerre contre le terrorisme, il faut la gagner, mais d’abord il faut la faire ». Comment faire cette guerre contre des soldats invisibles ?
S’ils sont invisibles, comme vous dites, ils n’en existent pas moins et portent un nom. Et ces soldats se réclament bien de l’islam. On peut alors discuter des heures durant pour savoir si cet islam est le vrai ou le bon islam, mais les faits sont là. Comment faire pour gagner cette guerre ? Arrêter de se cacher derrière des bons sentiments, des bougies ou des marches blanches… Et prendre de vraies mesures contre les mosquées ou les imams salafistes. Interdire aux soldats partis combattre en Syrie ou en Irak de revenir en France, même s’ils sont français. Par leur départ, ils ont déclaré la guerre à notre pays, à notre civilisation. Ils se sont mis eux-mêmes en situation d’ennemis de notre société. Pourquoi prendre des pincettes avec ces individus ? Arrêtons d’infantiliser les gens. Les actes, comme les propos ou les idées que l’on défend ont des conséquences. Il faut les assumer. Quant aux musulmans qui se plaignent d’être stigmatisés en France, qu’ils prennent enfin la parole ! Et qu’ils le fassent en nombre. Qu’ils dénoncent sans ambiguïté les actes de terrorisme commis au nom de leur religion. Et qu’ainsi, ils témoignent de leur attachement, de leur appartenance à cette civilisation contre laquelle luttent les terroristes. C’est aussi par des actes forts et des déclarations claires que les amalgames qui existent parfois cesseront d’eux-mêmes.
Vous êtes récemment montée au perchoir pour défendre la liberté d’expression. Vous vous êtes écriée avec panache : « Adieu Voltaire, bonjour Torquemada ». Sommes-nous menacés aujourd’hui par un nouveau type d’inquisition légale ?
Attention aux mots. Il ne faut pas toujours les prendre au premier degré. Même si on peut faire un parallèle, c’est vrai. Aujourd’hui comme du temps de l’inquisition, impossible de penser hors du dogme des « valeurs républicaines ». On les invoque, on s’en réclame pour justifier tout et n’importe quoi ! Bientôt, chacun sera obligé, sous peine d’excommunication, d’aimer le foulard islamique ou le burkini, d’être favorable au mariage pour tous, et bien sûr, d’accueillir avec le sourire les migrants qui arrivent par milliers. Je vous l’avoue, j’en ai assez de toutes ces officines – observatoire, commission, haute autorité… – censées nous ramener dans le droit chemin. J’en ai assez de ces donneurs de leçons toujours plus donneurs de leçons, toujours plus moralisateurs. J’en ai assez qu’on veuille me prendre par la main et me murmurer à l’oreille non seulement ce que je dois dire mais ce que je dois penser.
Vous ne faites pas mystère de votre foi catholique et pourtant vous n’hésitez pas à reprocher au pape François, à propos de sa politique migratoire, d’être « coupé des réalités », mais n’est-ce pas son rôle de défendre les réfugiés ?
Il ne faut pas tout confondre. L’accueil pour tous, tel qu’il est prôné par le Pape François, nie complètement le désarroi, le trouble et la grande inquiétude des Européens confrontés à une immigration toujours plus importante, dans un contexte vécu, à tort ou à raison, comme celui d’une culture islamique prosélyte. En prêchant l’accueil des migrants qui devrait passer avant la sécurité intérieure des États, à une époque où les attentats se multiplient et où on ne peut plus nier que certains de leurs auteurs se cachent parmi les populations qui arrivent sur nos territoires, le Pape met en danger, non seulement l’Église qu’il est censé défendre, mais le “vivre-ensemble” dont il semble être l’adepte, le nouveau défenseur acharné. Il considère la question migratoire, non pas du point de vue des populations qu’il sermonne, mais avec ses yeux de sud-Américain qui connaît mal l’Europe. Est-il confronté, depuis le Vatican, à la cohabitation des cultures, si plaisante sur le papier, mais parfois si dérangeante au quotidien ? À la promiscuité des voisins de palier aux modes de vie décalés ? Évidemment non. Se permettre des leçons de morale sur le sujet me fait irrésistiblement penser à Monsieur Macron qui parle des retraités “aisés” soit, dans son esprit, ceux qui gagnent plus de 1 200 €. Complètement en dehors des réalités et de la “vraie” vie…Alors, s’il n’est pas question d’abandonner ces populations migrantes en difficulté, c’est bien sûr en amont qu’il faut agir, avant qu’elles ne s’embarquent pour ce faux eldorado qu’on leur a promis, depuis leurs pays d’origine. C’est à cela que le Pape devrait s’atteler, et cela éviterait du même coup le déracinement des familles dont il prône le regroupement élargi – des grands-parents aux petits-enfants –, tout en refusant leur assimilation. Expliquez-moi la logique de tout cela…
Avec votre mari, Robert Ménard, vous formez un couple rayonnant. Qui influence l’autre en politique ? Etes-vous toujours du même avis sur tout ?
Nous formons un couple uni. Et nous nous influençons l’un l’autre mais pas l’un au détriment de l’autre. Comme dans tout couple aimant je suppose. Depuis son élection à la mairie de Béziers, on m’a soupçonnée d’être celle qui tirait les ficelles en cachette. Et quand j’ai annoncé ma candidature aux législatives, on m’a accusée de n’être qu’une potiche entre ses mains. Il faut savoir… La réalité est bien plus simple. Nous nous aimons et partageons tout de notre quotidien. Les avis ou les conseils que Robert me donne sont complètement dé-sintéressés et donc toujours très précieux. J’essaie de faire de même pour lui. On ne croise pas tous les jours un homme à la fois intelligent, généreux et courageux. C’est rare. J’ai eu beaucoup de chance de le rencontrer.
Comment voyez-vous la recomposition de la droite, après le déclin de la vague macroniste ?
Même si les sondages indiquent un reflux certain de la popularité du chef de l’État, cela ne présage en aucune façon que les partis « traditionnels » vont pouvoir en bénéficier. C’est la grande leçon de l’élection d’Emmanuel Macron : les Français en ont assez de la vieille politique. Il faudra probablement tout repenser, tout réinventer. C’est un peu inquiétant, car on a l’impression de ne rien maîtriser et de n’avoir plus aucune certitude, mais assez exaltant aussi. Tout est possible. Je crois que cela passera par des hommes et des femmes de terrain, qui connaissent la réalité, le quotidien des gens. Et non pas, justement comme essaie de nous l’imposer Emmanuel Macron, avec des élus déconnectés, toujours plus hors-sol…Il va falloir dépasser les faux clivages, aller au-delà des intérêts d’appareils et de boutiques, bousculer les égos. À mon niveau, à l’Assemblée, je m’y emploie. Mais il faudrait le faire partout, tout le temps. Toute une génération de jeunes militants, venus à l’action publique à travers la Manif pour tous, peut y contribuer. Ils sont pragmatiques tout en étant animés par une espérance contagieuse… Même si, comme l’écrit avec talent Sylvain Tesson, « il n’est pas nécessaire de dire son chapelet pour refuser que les versets du Coran soient marmonnés sous les clochers qui hérissent la France du Mercantour au Cotentin, comme le signe d’une vieille alliance passée dans notre histoire entre le Christ et nous, entre le ciel et le paysage »…
Quelles seraient vos propositions pour une politique de la Vie, à l’heure où le gouvernement s’est dit prêt à une évolution de la loi sur la PMA ?
Je suis prête à parier que monsieur Macron, dans la droite ligne de monsieur Hollande, s’engouffrera dans la légalisation de la PMA si les résultats économiques ne sont pas rapidement au rendez-vous. Il lui faudra alors une grande réforme “sociétale” pour faire oublier ses échecs en matière d’emploi par exemple. La GPA suivra… Une politique de la vie, c’est d’abord une grande politique familiale. Avec un volet économique pour favoriser la natalité. Mais pas seulement : ainsi, il faudrait reconnaître le statut d’aidant afin de mieux accompagner nos anciens…
Propos recueillis par l’abbé G. de Tanoüarn