Abbé de Tanoüarn
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Entretien avec Marion Maréchal-Le Pen
Après 2015, année climatérique, 2016 devra marquer le grand retour du patriotisme. Marion Maréchal-Le Pen répond avec la vigueur qu’on lui connaît aux questions de Monde&Vie. Elle démythifie les éternels porteurs de promesses et nous assène tranquillement sa vérité. Ce qui frappe, c’est le réalisme avec lequel elle formule son rêve pour la France, loin de toute facilité ou de toute faconde idéologique.
Monde&Vie : Après les attentats du 7 et du 9 janvier, on a cultivé l’esprit Charlie. Aujourd’hui, en Une du dernier numéro de Charlie pour le premier anniversaire de l’attentat des frères Kouachi, Riss, actuel directeur du journal, publie un dessin sous-titré l’assassin court toujours, où l’on voit un dieu barbu en « soutane », kalach en bandoulière. Qu’est-ce que Marion Maréchal-Le Pen peut dire de cette Une dans les circonstances où nous sommes ?
Marion Maréchal-Le Pen : Je dirais avant tout que ces journalistes continuent leur déni de réalité en pointant du doigt la religion en tant que telle plutôt que l’islamisme et son pendant terroriste, pourtant seul responsable du drame qui les a frappés. Les chrétiens, ils les mettent ainsi dans le même sac, probablement influencés par l’anti-cléricalisme viscéral qui continue de structurer idéologiquement l’extrême gauche. Par ailleurs, je n’ai jamais apprécié la ligne éditoriale de ce journal. Bien qu’attachée à la liberté d’expression, que je défends bec et ongles, comme à l’esprit français grivois et provocateur, je n’apprécie pas pour autant le blasphème quelle que soit la religion visée. Je n’achèterai donc pas plus ce numéro qu’un autre, ce qui ne m’a pas empêché de défiler en hommage aux journalistes tués car la barbarie doit être combattue y compris lorsqu’elle frappe des adversaires politiques.
Après le sinistre vendredi 13 novembre à Paris, peut-on parler d’un sursaut patriotique en France ?
M. MLP : Suite à ces attentats, les socialistes ont tout fait pour se poser en chantres du patriotisme qu’ils foulaient aux pieds depuis tant d’années, en orchestrant un engouement soudain pour les drapeaux français et pour l’hymne national ou en adoptant une série de mesures directement tirée de la besace programmatique du Front national. Et pour cause : les Français attendaient immédiatement des mesures fortes. Du côté du gouvernement, il va de soi que ce patriotisme est
un artifice… Du côté du peuple, celui-ci s’est senti réellement et gravement agressé par un ennemi identifié : l’islamisme. Je pense que les Français depuis longtemps ont envie d’exprimer un patriotisme indispensable à la cohésion de la société mais que ce dernier était diabolisé donc inavouable. Toute manifestation de l’amour de soi était assimilée à la haine de l’autre. Toute francophilie était analysée comme de la xénophobie. Face aux événements, ce besoin de sens commun a pris le pas sur ce complexe et l’amour de la France s’affiche plus ouvertement.
Comment analysez-vous les résultats des élections régionales, en particulier dans votre région PACA ?
M. MLP : Même si j’aurais évidemment préféré être victorieuse pour pouvoir faire changer durablement le cours des choses en Provence-Alpes-Côte d’Azur, les résultats de cette élection sont tout de même excellents. Le Front national est conforté comme premier parti dans notre région. Au premier tour, nous arrivons en tête dans tous les départements et à égalité dans les Alpes-Maritimes, fief d’Estrosi. Au deuxième tour, nous conservons la majorité absolue dans le Vaucluse avec plus de 51% des voix. Pour l’ensemble de la PACA, nous gagnons plus de 166 000 voix entre les deux tours, contre 91 000 en 2010, preuve que le fameux plafond de verre n’existe plus, ou du moins, est en passe de disparaître. Au final, nous doublons le nombre d’élus au Conseil régional et nous éliminons du paysage le Parti socialiste remplacé désormais par son jumeau Les Républicains, ce qui n’est pas la moindre des satisfactions. Ce scrutin confirme une profonde fracture française : d’un côté la France rurale et périphérique oubliée et humiliée qui subit délocalisation, abandon des services publics, chômage de masse, etc. qui vote massivement pour notre mouvement et de l’autre la France des centres urbains bobos gagnants de la mondialisation et des « quartiers » majoritairement d’origine immigrée qui votent pour le PS ou l’UMP… à la faveur de la distribution des subventions locales ! Ces deux France ne se comprennent plus. Dans les années à venir le défi du Front national sera de rassembler à nouveau autour de notre patrie.
Ne pensez-vous pas que François Hollande, imposant aux socialistes la déchéance de nationalité, est en train de marcher sur les brisées du Front national, tout en faisant moins peur que le Front national ?
M. MLP : Comme je l’expliquais, les socialistes au gouvernement, leur président en tête, affichent une sorte de fermeté de façade pour présenter aux Français un visage qui n’est pas le leur. À l’instar de son prédécesseur qui avait fait de l’expulsion un outil de communication plus qu’une mesure systématique pour lutter contre l’immigration clandestine. Je serais curieuse de savoir combien de personnes auront été déchues de leur nationalité à l’issue du mandat de François Hollande. Avant d’élargir les modalités de déchéance de la nationalité, il faudrait déjà appliquer la loi qui a été très peu utilisée. Par ailleurs il ne faut pas oublier de traiter le problème de la jurisprudence de la CEDH qui nous interdit d’expulser des étrangers déchus de leur nationalité et condamnés pour terrorisme au prétexte qu’ils pourraient subir des traitements inhumains ou dégradants dans leur pays d’origine… autrement dit la mesure est vidée de son intérêt dans l’état actuel du droit ! D’autre part ce débat occulte les mesures indispensables qui devraient être prises en amont : rétablissement du contrôle aux frontières, régulation de l’immigration, suppression du droit du sol pour une acquisition plus exigeante de la nationalité française.Je pense à son côté Père de la nation, au moment des vœux présidentiels…
François Hollande n’est-il pas en train de jouer – avec toute l’autorité que lui donne sa fonction – le vieux slogan « Ni droite ni gauche » du Front national ? N’est-ce pas le moment pour le Front national de s’affirmer résolument « à droite », alors que manifestement les Républicains ne savent plus très bien où ils en sont ?
M. MLP : Depuis l’arrivée de Valls à Matignon, François Hollande perd continuellement le soutien de la gauche, à tel point qu’il compte désormais sur la droite pour voter la déchéance de la nationalité. Il a sacrifié ses candidats du Nord et de PACA pour empêcher une victoire du FN, ce qui n’a pas été particulièrement apprécié dans son propre camp. Avec la gravité induite par les attentats, il a effectivement tenté d’endosser le manteau, bien trop grand pour lui, de Père de la Nation en tentant de se détacher des clivages. D’un autre côté, les Républicains n’en finissent plus de s’enfoncer dans leurs contradictions, leurs incohérences et leurs luttes d’égos. Enfin, durant tout le mandat de François Hollande, le seul fondement des programmes politiques avancés par nos adversaires de droite comme de gauche n’aura été que cette antienne obsessionnelle : lutter contre le Front national. Il existe donc un nouveau clivage, UMPS vs FN, soit mondialistes contre patriotes, qui a remplacé l’ancien clivage gauche-droite qui ne signifie plus grand-chose. Sarkozy n’a eu aucun scrupule à s’entourer de gens de gauche et à gouverner ouvertement à gauche de même que Hollande pratique toute honte bue l’ultra libéralisme et n’a jamais régulé « l’ennemi sans visage » de la Finance. Hollande joue donc très finement en officialisant, en quelque sorte, l’UMPS, au grand dam de Sarkozy, à la fois dans la mécanique électorale ainsi que dans le positionnement anti-FN complètement assumé. De fait, il est le mieux placé pour en prendre demain le leadership, à condition que son impopularité, qui est loin d’être négligeable, ne le disqualifie dès le premier tour de la présidentielle. Il divise à gauche et à droite, sans doute pour mieux régner. Dans ce contexte, le FN doit rester fidèle à sa ligne, en parlant à tous les Français, continuer à démontrer ses capacités de gestion partout où il est en situation et continuer de convaincre les électeurs de la justesse des solutions qu’il entend mettre en œuvre pour redresser le pays.
Le Front national est-il capable de faire des alliances électorales pour gagner ? Avec qui ?
M. MLP : Dans le paysage politique actuel, je ne vois aucun mouvement qui serait prêt, pour l’instant, à s’allier avec nous, tous ces mouvements faisant partie du même système accroché à leurs avantages. Toutefois, il y a des éléments nouveaux à prendre en compte qui pourraient remettre en question ce vieil axiome voulant qu’il n’y ait point de victoire possible sans alliance. Ainsi, le fait que les électeurs obéissent de moins en moins aux consignes des états-majors, la persistance du mensonge comme mode de gouvernement de la part de gens de gauche qui gouvernent à droite et vice et versa, la trahison des régionales où des patriotes de droite sincères n’ont jamais pu comprendre que des gens de gauche appellent à voter pour leur candidat et où des socialistes convaincus n’ont jamais pu glisser un bulletin pour des poulains de Sarkozy, l’obstruction au jeu normal démocratique confinant au coup d’État permanent, tout cela finit par exaspérer les Français qui ne voient en outre aucun de leurs problèmes résolu et qui voient au contraire des élus FN forces de proposition, tenant leurs promesses, actifs sur le terrain et efficaces dans leur gouvernance.
Quelle est, selon vous, la place de la Révolution française dans l’histoire de notre pays ? Comment définiriez-vous les valeurs républicaines auxquelles vous vous rattachez, vous, Marion Maréchal-Le Pen ? Quelle est la France dont vous rêvez ?
M. MLP : La Révolution est un moment de l’Histoire de France et aussi un marqueur idéologique qui a marqué et continue de marquer notre identité française. Pour autant l’identité française ne se limite pas à la République et la France n’est pas née en 1789. La France c’est aussi seize siècles de chrétienté qui ont façonné nos institutions, nos paysages, les noms de nos villages… mais aussi une influence grecque et latine. Ce savant mélange d’influences, le miracle de l’Histoire de France qui a uni dans un destin commun des peuples latins, germains, celtes, basques et des cinq continents constitue le peuple d’ingénieurs et de poètes que nous sommes et qui a fasciné le monde durant des siècles. Je rêve que mes compatriotes se réarment psychologiquement, tournent la page de l’abdication mentale de nos élites et soient conscients et fiers d’être les maillons d’une longue chaine historique et humaine. Les valeurs de la République ont été invoquées à tort et à travers, dressées comme un étendard pour masquer la vacuité de l’argumentation des bien-pensants, autrement dit des non-pensants. L’une des premières valeurs républicaines, la laïcité, est elle-même bafouée tous les jours par ceux qui s’en prévalent.
Propos recueillis par l’abbé Guillaume de Tanoüarn