« Nous pensons qu’en France, le sursaut est possible, que les Français vont à nouveau s’aimer eux-mêmes et s’aimer entre eux, pour se redécouvrir tels qu’ils sont : viscéralement catholiques. »

Numéro en cours

Abbé de Tanoüarn

Rédacteur en chef

Les expériences de mort imminente

Patrick Theillier a été pendant douze ans le directeur du Bureau des constatations médicales de Lourdes, chargé d’instruire du point de vue scientifique les dossiers de guérisons dites miraculeuses. Un poste de choix d’où il a pu apercevoir le surnaturel à l’œuvre. Depuis sa retraite en 2010, il prépare ce nouveau livre, non plus sur les miracles, mais sur les expériences de mort imminente. Il raconte les témoignages de ces gens qui connaissent un état de mort clinique avant de revenir à la vie, et qui, dans l’intervalle, ont conscience d’une vie après la vie. En anglais on parle de Near Death experience (NDE). Patrick Theillier n’hésite pas à considérer ces faits comme autant de « signes du ciel qui nous ouvrent à la vie invisible ». Il a accepté d’en parler aux lecteurs de Monde&Vie.

Patrick Theillier, vous êtes médecin, mais vous n’êtes pas le seul loin de là. Qu’est-ce qui a fait que vous avez été choisi pour diriger le Bureau des constatations à Lourdes ?

Je dirais d’abord que j’étais volontaire, en fin de carrière, pour m’occuper de ce sujet difficile des miracles de Lourdes, et j’ai été choisi, c’est encore aujourd’hui un motif de fierté, parmi douze candidats. Pourquoi ? J’ai toujours eu dans l’idée de faire une médecine ouverte à l’homme dans toutes ses dimensions, physiques, psychiques et spirituelles, dans la ligne de ce que le docteur Tournier appelait justement « une médecine de la personne ». C’est que l’homme est ainsi fait, comme le rappelle saint Paul aux Thessaloniciens, il y a en lui ces trois dimensions. Si l’on en reste au psycho-somatique, on fait de la médecine vétérinaire. L’animal est psycho-somatique, mon chien par exemple et même un canard. Mais l’homme a la loi naturelle inscrite dans son cœur ou dans son esprit si vous voulez. Je me suis très tôt ouvert  à cette dimension et aux inter-réactions entre le spirituel et le psycho-somatique. J’ai eu une carrière de médecin homéopathe, pendant vingt-cinq ans, dans le Nord d’abord puis en Béarn. À cette époque, il m’arrivait d’envoyer un de mes patients se confesser. Vous savez, en tant que médecin, aujourd’hui, on sait tout du malade que l’on a en face de soi. L’homme est ainsi fait, que le spirituel est une dimension essentielle dans sa vie. Pour en venir à notre sujet de manière plus spécifique, vous comprenez que, dès sa parution en 1975, le livre du docteur Moody sur les états de mort imminente, intitulé La vie après la vie, m’avait beaucoup intéressé. Quand Mgr Perrier m’a choisi en 1998 pour prendre la tête du BCM, j’ai arrêté la thérapeutique et me suis mis à écouter des gens, beaucoup de gens, qui témoignaient de l’action de Dieu dans leur vie.

Existe-t-il un rapport entre les guérisons miraculeuses auxquelles vous avez assisté et les états de mort imminente ?

J’avais déjà recueilli un certain nombre d’expérience de mort imminente avant de prendre mon poste à Lourdes et ce qui m’a frappé parmi les premières personnes que j’ai pu écouter, c’est que je ressentais chez elles le même accent de sincérité devant une guérison inexpliquée, qu’elles vivent mais ne peuvent pas justifier par elles-mêmes, que j’avais déjà entendu dans les récits d’EMI que j’avais pu recueillir auparavant. On constate d’abord dans ces récits, cette rencontre du divin, qui touche au cœur, puis une transformation, un changement de vie et enfin un témoignage fort même s’il est souvent maladroit. Je pourrais citer un cas où le miracle et l’état de mort imminente se confondent en un seul événement. Je rencontre un Monsieur qui avait été malade et qui avait guéri de manière inexplicable. Ce miracle avait eu lieu en même temps qu’il vivait l’état de mort imminente, avec très classiquement, le tunnel et la lumière… Le premier indice, qui m’a permis de l’interroger, c’est qu’il considérait la mort comme aimante : elle ne lui faisait plus peur. Mais il n’osait pas dire cette circonstance au départ. Il a fallu que je l’interroge pour qu’il se confie…Qu’est-ce qui caractérise le vrai miracle ? J’ai écrit deux livres sur les guérisons : Et si on parlait des miracles, que j’ai dédié à mes 28 petits enfants et Lourdes, des miracles pour notre guérison. Je voudrais insister sur un fait que l’on passe trop souvent sous silence : les miracles sont là comme l’icône de la guérison qui atteint la personne dans toute son existence. Les miraculés ne sont plus les mêmes après. Un miracle correspond toujours aussi à la guérison de nos blessures subies dans le cours de notre histoire. Le sujet est vraiment libéré. À chaque fois, pour ces gens, il y a un avant et un après, une effusion de l’Esprit qui les touche jusque dans leurs cellules en provoquant la guérison qui leur tombe dessus.

Les miracles de Lourdes touchent-ils des non-chrétiens ?

J’ai souvenir de la guérison de trois musulmans. Je voudrais évoquer, parmi eux, cette femme atteinte de Recto Collique Hémorragique (RCH). Elle vient à Lourdes sans beaucoup d’informations, voit des femmes qui font la queue à un endroit, se met elle-même à faire la queue et arrive devant les piscines. Elle plonge dans l’eau froide et ressort en pleurs, disant : « J’ai fait l’expérience de l’amour de Dieu pour moi ». Elle laisse tomber tous ses médicaments et six mois après le Bureau des Constatations Médicales est bien obligé de reconnaître qu’elle ne présente plus aucun des symptômes de cette maladie. Il y avait eu un contact avec l’évêque de son département d’origine, Mgr Dagens, qui la baptisera trois ans après ces faits. Venons en aux EMI…Lorsque j’ai quitté le BCM en 2010, c’était avec l’idée d’approfondir cette question, que j’avais rencontré très tôt dans ma vie professionnelle. J’ai lu toute la biographie sur le sujet, j’ai récolté des témoignages pendant deux ans et je dois dire qu’à l’occasion de la sortie de ce livre, j’en récolte encore aujourd’hui. Jusqu’à maintenant, ce sujet est plutôt traité parmi les phénomènes paranormaux ou ésotériques. Je voulais un livre chrétien sur le sujet, me disant qu’il était dommage de laisser ce thème au New Age, alors que ces expériences confirment ce que l’Église enseigne depuis 2000 ans. Seul Michel Aupetit, médecin et actuel évêque de Nanterre avait consacré un chapitre à ce sujet dans son livre La mort et après (Salvator). Je voyais le livre à faire, avec des témoignages, une réflexion sur ces témoignages et des aparte : le pari de Pascal, un texte de Bossuet un autre de saint Jean de la Croix. C’est un véritable enseignement chrétien sur la mort qui se dégage de ce travail. Aujourd’hui on ne parle plus de la mort, c’est un sujet interdit. Je veux que mon livre contribue à le poser, à rompre la loi du silence, parce qu’il s’agit d’une question que tous les êtres humains se posent.

Est-ce que ces phénomènes de mort imminente ont toujours existé ?

Je le crois. Il y a un tableau très étonnant de Jérôme Bosch, qui reprend et représente le ressenti dont on témoigne aujourd’hui (voir ci-contre) Ces expériences doivent exister depuis toujours et dans toutes les cultures, si on en juge par l’universalité du fait religieux, mais avec les progrès de la réanimation médicale, on assiste aujourd’hui à une multiplication de ces expériences. Quelle est votre démarche de chercheur dans ce livre ?J’essaie d’élaborer une description scientifique de l’expérience de mort imminente, en collationnant différents cas. J’arrive à modéliser neuf phases possibles, mais pas toujours présentes toutes les neuf. Il y a toujours, au fond, cette rencontre avec l’être de lumière, amour incommensurable, qui est reconnu comme étant Dieu par ceux qui sont ouverts à Dieu. Vous me direz : ce pourrait être un ange ou un être extra-terrestre… Mais, au témoignage de tous, ce ne serait pas suffisant. Il y a une rencontre ineffable, un peu analogue à une expérience mystique qui transforme la personne. Je n’ai pas encore lu le livre d’Eric Emmanuel Schmitt, La nuit de feu, qui vient de paraître, mais son vécu me paraît très proche des expériences décrites dans ce livre.Cette expérience devient donc, sous votre plume, quelque chose de parfaitement objectif…Attention à ne pas faire disparaître le mystère. En l’occurrence, les gens qui se trouvent dans les circonstances d’une mort imminente n’éprouvent pas forcément cette expérience surnaturelle. On peut dire qu’elle concerne quand même 20 % des cas. Mais je me souviens d’un prêtre, tombé devant moi et que j’ai pu faire revivre grâce à un massage cardiaque musclé : je lui est cassé deux côtes, mais lui en tout cas n’a rien vu ! On sent que cette rencontre ineffable, comme au-delà du voile, relève d’une grâce, donnée à certains, pas à tous. Tout se passe comme si, parmi ces témoignages, il n’y avait aucun expérience de l’enfer, mais seulement une lumière paradisiaque…Détrompez-vous. Il y a aussi des EMI effrayantes, en rapport avec une expérience spirituelle : un tunnel noir, une musique épouvantable. L’un de ceux qui m’a raconté cette version des faits avouait immédiatement : « Je suis revenu dans mon corps, j’ai changé toute ma vie ». Je dirais qu’un autre exemple de cette expérience spirituelle de l’enfer, parmi les cas que j’ai pu recueillir, est un prêtre.

Quelle leçon tirez-vous, vous-même de ce livre ?

Ces expériences nous remuent parce que l’on voit bien qu’elles ne sont pas une invention de la Religion. Elles viennent de la société civile, non de l’Église. Cette vie qui nous attend, on peut la vivre dès ici-bas. C’est maintenant qu’il faut vivre cette vie en plénitude, par l’action et la prière.     

 

Propos recueillis par l’abbé Guillaume de Tanoüarnê Patrick Theillier, Expériences de mort imminente, éd. Artège, 232 p., 18 €.

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