« Nous pensons qu’en France, le sursaut est possible, que les Français vont à nouveau s’aimer eux-mêmes et s’aimer entre eux, pour se redécouvrir tels qu’ils sont : viscéralement catholiques. »

Numéro en cours

Eric Letty

Editorialiste

Les Evêques sauvent les Synode

En musique, trop de dissonances créent une cacophonie. C’est cette dernière impression qui a prévalu après la publication, le 13 octobre, du « Rapport après le débat » du synode extraordinaire sur la famille. Certes, les médias ont fait de leur mieux pour semer la pagaille ; mais les rédacteurs du rapport ne pouvaient pas en être surpris, puisque les règles du jeu avaient été fixées ainsi. Règles d’ailleurs surprenantes : si le document publié n’était qu’un texte devant servir debase aux discussions à venir, pourquoi s’exposer si tôt aux pressions et risquer de focaliser l’attention sur les questions qui obsèdent les médias, à savoir l’accès au sacrement eucharistique des divorcés remariés et l’homosexualité ? Et comment expliquer qu’il n’ait pas mieux représenté les différentes positions exprimées au synode ? Les médias y « ont peut-être vu plus que ce qui a été réellement dit », a dit le cardinal hongrois Peter Erdö, rapporteur général ; le document « n’a pas été toujours bien compris », a renchéri le Secrétariat général du Synode. Mauvais alibis : bien sûr, les journalistes étaient à l’affût ; mais à en juger par les réactions des évêques, ils ne sont pas les seuls à ne pas avoir « bien compris ». Beaucoup de pères synodaux ont finalement refusé de «danser sur la musique du monde », selon le mot de l’évêque de Riga, Mgr Zbigniew Stankiewicz. Si, comme il y paraît, le rapport du 13 octobre, préparé par les collaborateurs du pape avait pour but d’engager le Synode sur la voie d’une « ouverture » prétendue, la manœuvre a échoué. Les évêques ont désavoué les propositions les plus dangereuses, pour ne pas dire les plus révolutionnaires du texte, rappelé l’unicité et l’indissolubilité de l’amour conjugal, « amour de l’homme et de la femme », et encouragé les familles « qui suivent le Christ » ; on ne saurait trop les en remercier. Les gens heureux, dit-on, n’ont pas d’histoire, c’est sans doute pour quoi l’on parle peu des couples qui « tiennent bon». Pourtant, beaucoup ont traversé ou traverseront, au cours de leur commun voyage, une tempête ou un orage. A une époque où le divorce est banalisé, c’est une charité de Dieu que de leur ouvrir le port de l’indissolubilité pour s’abriter et se reposer dans le sacrement de mariage, avant de repartir fortifiés dans leur amour. Sans ce port, les familles seraient exposées au naufrage. Or Dieu sait que l’orage tonne ! Jusqu’à présent, la papauté apparaissait comme un phare dans la tourmente ; il est à craindre que cette lumière brille moins fort aujourd’hui et, même si le pape est resté silencieux tout au long du synode, le « non possumus » opposé par les pères synodaux à ses collaborateurs apparaît aussi comme son échec. Le soutien des évêques est d’autant plus précieux qu’en tant qu’institution, la famille, cette « église domestique » comme dit le pape, n’a jamais été aussi violemment attaquée. En France, après les assauts livrés au mariage et à la filiation, le gouvernement s’apprête à démolir la politique familiale en modifiant profondément la philosophie, par une injustice qui frappera les familles nombreuses françaises appartenant aux classes moyennes. En prenant de nouveau la rue, massivement, le 5 octobre, les Français ont montré qu’ils sont plus que jamais résolus à résister. Le moment serait très malvenu d’une trahison des clercs. Heureusement, les évêques sont restés attentifs à l’inspiration du Saint Esprit et la grande majorité d’entre eux, comme l’a dit Mgr Stankiewicz, n’a « pas l’intention de lâcher prise ». Quoi qu’il arrive, la victoire définitive de Dieu est déjà inscrite dansnotre histoire par la Croix et la Résurrection. C’est le sens profond de l’ex hortation du pape Jean Paul II: « N’ayez pas peur! ».

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