« Nous pensons qu’en France, le sursaut est possible, que les Français vont à nouveau s’aimer eux-mêmes et s’aimer entre eux, pour se redécouvrir tels qu’ils sont : viscéralement catholiques. »

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Christophe Mahieu

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François : oui, mais…

13 mars 2013 : sans tambours, ni trompettes. Les anniversaires de l’élection du pontificat de François n’ont jamais donné lieu à des festivités particulières. Ils se suivent et se ressemblent tous.

L’homme, on le sait, n’a jamais été un adepte des anniversaires. Il prône au contraire la sobriété… N’avait-il pas dit à ses proches, au lendemain de son élection, de rester en Argentine et de donner l’argent qui devait servir à payer le voyage, à des œuvres caritatives ? François, comme saint Pie X en son temps, n’a jamais été un mondain et fait montre d’un tempérament solitaire. Cette solitude du pouvoir et du gouvernement, nous le savons que trop bien, ne lui pose aucun problème et il en joue allégrement. Pour quel bilan ? Le pape a beau refuser toute festivité, les médias, eux, établissent une sorte de droit d’inventaire chaque 13 mars, jour de son élection : « François, le temps de l’adversité » titrait Le Figaro dans son édition de la veille cette année. Il s’agissait du titre le plus engageant. La Croix, elle, se voulait bien plus consensuel : « Un pape si proche ». De son côté, Famille chrétienne mettait en une un portrait du pape souriant : « François, Un pape qui bouscule ». Mais, dans ses pages, le journaliste Aymeric Pourbaix soulignait le décalage existant entre l’Argentin et les catholiques européens, tout en expliquant combien le personnage était complexe et ne pouvait être réduit à une nuance de gris, entre progressiste et conservateur… Néanmoins, tout le monde s’accorde pour dire que le 266e successeur de Pierre met l’Église sens dessus dessous. On peut même dire que, rarement dans l’histoire, un pape aura été autant contesté par ses propres troupes : de l’Europe à l’Afrique, des États-Unis à la Chine. Peu après son accession au siège de Pierre, l’hebdomadaire La Vie ne croyait pas si bien dire en évoquant un « pape anticlérical ». En septembre 2015, alors que François était sur le point de se rendre aux États-Unis, ce fut le tour de l’hebdomadaire américain Newsweek de se poser la question : « Le pape est-il catholique ? » Certes, il sous-titrait immédiatement : « Yes ». Mais, comme tout anglo-saxon qui se respecte, il ajoutait un laconique « But », c’est-à-dire « Oui mais… vous ne le saurez pas à travers les articles de journaux qui lui sont consacrés ».Populaire… à l’extérieurParce que François cultive le paradoxe étonnant d’être populaire en dehors de l’Église et impopulaire dans l’Église. Cette popularité est réelle et même intacte dans les sondages d’opinion. François, c’est peu dire, est un chouchou du monde médiatique. Et le peu d’élégance de la journaliste de France 2, Elise Lucet, l’invectivant place saint-Pierre sur le cas d’un prêtre pédophile que le cardinal Bergoglio aurait cherché à innocenter, n’y changera rien ou pas grand-chose. Le soir même de l’élection, des journalistes ont tenté de lui faire porter le chapeau de l’arrestation de deux prêtres sous la dictature. Cela n’eut aucune conséquence à long terme.François arrive, avec un aplomb formidable, à passer à travers les goutes des révélations dont les journalistes font des gorges chaudes, prêts à se poser en chevalier blanc de la moralité et de la vertu. Bien que leur motivation soit anticléricale dans la majorité des cas. Or, avec le pape argentin, cela ne fonctionne pas. La machine à broyer du Fillon n’arrive pas à atteindre la blancheur de la soutane pontificale. Le sens politique du personnage fait tout et le place dans une autre dimension. Il travaille ainsi sur tous les fronts : il réconcilie Cuba et les États-Unis. Il rencontre le patriarche Kirill. Il réunit juifs et israéliens dans les jardins du Vatican. Il vient en homme de paix en Centrafrique afin de mettre fin à un conflit qui n’en finit plus. Il survole la Chine et envoie des messages de réconciliation aux autorités communistes. Il travaille à la pacification de la population colombienne. Bref, il crée des ponts, arbitre, se pose en médiateur et offre ses bons offices. Comme le fait le Saint-Siège depuis la fin du xixe siècle.Mais parallèlement, il coupe la tête de l’Ordre de Malte, critique les ordres religieux qui ont du succès (Les frères de l’Immaculée ne le savent que trop bien), bouleverse la curie en régnant en solitaire, fait mine d’oublier les enseignements de Jean-Paul II sur la famille, règle la question des divorcés remariés dans une note de bas de page, envisage même d’ordonner des hommes mariés sous certaines conditions… Bref, le pape nous apparaît progressiste tout en donnant le change en réintégrant peu à peu la Fraternité Saint Pie X, ces catholiques aujourd’hui à la périphérie, dans l’Église. De plus, sur le plan spirituel, il a toute l’apparence du « conservateur » : dans sa prière, dans une forme d’ascèse, dans sa volonté de rétablir une religiosité populaire. Celle qui porte un culte à la Vierge Marie et aux saints, celle qui fut abandonnée par les intellectuels de gauche du Concile Vatican II par pédantisme et prétention à l’égard du xixe siècle et de son « néo-gothisme ». Ainsi, François réhabilite la prière des humbles. Et on ne saurait s’en plaindre. Alors quel bilan ? On dit d’un pape que c’est un héritier, mais un héritier indépendant… Que le lecteur nous permette de penser qu’il est davantage l’un que l’autre.   

Christophe Mahieu

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