Eric Letty
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La barque dans la tourmente
Un scandale abominable secoue l’Église aux États-Unis à travers quelque trois cents prêtres et, en premier lieu, le cardinal McCarrick, ancien archevêque de Washington, qui s’est comporté pendant des dizaines d’années en prédateur homosexuel, abusant de son autorité et de sa position pour dévoyer des séminaristes et de jeunes prêtres. En soi, ces faits sont extrêmement graves. Mais il y a pire : dans une lettre publique, le cardinal Carlo Maria Vigano, ex-secrétaire général du gouvernement du Vatican et ancien nonce apostolique à Washington, dénonce l’existence d’une « mafia » homosexuelle dans l’Église et accuse d’éminents prélats de la curie romaine, dont les cardinaux Sodano et Bertone, respectivement secrétaires d’État sous les pontificats de Jean-Paul II et de Benoît XVI, d’avoir couvert les dépravations dont se sont rendus coupables le père Maciel, fondateur des Légionnaires du Christ, puis le cardinal McCarrick. Pis : il reproche au pape François d’avoir fait du second son conseiller, en connaissance de cause.
« La corruption a atteint le sommet de la hiérarchie de l’Église », affirme l’ancien nonce, qui va jusqu’à demander la démission du pape actuel – ce qui n’est ni probable, ni souhaitable. François, qu’il se soit trompé ou ait sciemment protégé un évêque indigne, n’est pas Alexandre VI Borgia, pontife corrompu et pervers – qui mourut pourtant sous la tiare. L’épreuve n’en reste pas moins redoutable pour l’Église et pour les âmes. « Malheur au monde à cause des scandales ! », dit le Christ. Ce n’est pas le premier qui ait sali le visage de l’Église et déchiré la tunique sans couture. Au long de son histoire, d’autres ignominies, non moindres, ont engendré et nourri des ruptures douloureuses, comme l’hérésie cathare ou plus tard la Réforme, qui ont toujours été surmontées par une restauration et par l’intervention des saints. Au moment où la barque prise dans la tempête semble prête à sombrer, alors que les apôtres s’affolent, le Christ paraît, le vent tombe et les flots s’apaisent.
Cette nouvelle crise dépouille l’Église de son autorité morale, blesse les victimes, discrédite le clergé, sape la confiance des fidèles, éloigne de l’Église les non-croyants qui subissent déjà l’influence des media, majoritairement hostiles à l’Église – même si, pour l’instant, ces derniers insistent peu sur l’affaire McCarrick, mettant en cause des clercs dont ils attendent une « évolution » de l’Église dans le domaine de la morale et des moeurs… Prions pour qu’elle soit dépassée grâce à une nouvelle restauration et à un nouvel appel à la sainteté.
Le cardinal Vigano demande, à juste titre, que l’institution ecclésiale soit nettoyée et renouvelée, et qu’à cette fin toute la vérité soit faite sur le réseau homosexuel à l’oeuvre dans l’Église. Mais dans cette nouvelle tourmente, il me semble que nous, laïcs catholiques, devons nous garder des vaines polémiques et nous souvenir que Celui qui nous rassemble est plus grand que ce qui nous divise. Nous pouvons aussi nous reposer, comme me le disait récemment le délégué général d’Ichtus, Guillaume de Prémare, sur les églises domestiques que sont nos familles, piliers de l’Église universelle.
C’est à un acte de foi que nous sommes invités. Corps mystique du Christ, l’Église est sanctifiée en Lui, malgré nos péchés ; c’est en Jésus Christ qu’elle est une, malgré nos querelles ; c’est par Lui qu’elle est catholique – universelle – et apostolique. Et nous savons que les portes de l’enfer ne prévaudront pas sur elle. Au reste, si les interrogations sont légitimes, l’unique réponse qui vaille a été formulée par saint Pierre lui-même, premier des papes : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. »