« Nous pensons qu’en France, le sursaut est possible, que les Français vont à nouveau s’aimer eux-mêmes et s’aimer entre eux, pour se redécouvrir tels qu’ils sont : viscéralement catholiques. »

Numéro en cours

Eric Letty

Editorialiste

La contre-révolution en gilets jaunes

«Les Grenouilles, se lassant de l’état Démocratique, parleurs clameurs firent tant que Jupin les soumit au pouvoir Monarchique… »La Fontaine, s’il s’en revenait aujourd’hui, constaterait que sa fable, Les Grenouilles qui demandent un roi, a pris un tour inattendu. Comme les batraciens du conte, les Français, monarchistes qui s’ignorent, ont souffert, sous Hollande, du manque de prestige et de dignité du président prétendument« normal ». L’ayant compris, EmmanuelMacron a saisi l’occasion qui s’offrait de se grimer du masque monarchique, avant de se camper en Jupiter (Jupin).Avant son élection à la présidence de la République, il avait déclaré : « Il y a dans le processus démocratique et dans son fonctionnement un absent. Dans la politique française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort. La Terreur a creusé un vide émotionnel, imaginaire, collectif : le roi n’est plus là ! On a essayé ensuite de réinvestir ce vide, d’y placer d’autres figures : ce sont les moments napoléonien et gaulliste, notamment. Le reste du temps, la démocratie française ne remplit pas l’espace. (…) Pourtant, ce qu’on attend du président de la République, c’est qu’il occupe cette fonction. Tout s’est construit sur ce malentendu. »Mais en trois mois, l’été dernier, le maquillage a coulé et le masque est tombé. Il a suffi, pour que le faux roi soit nu, de la séquence catastrophique de la Fête de la musique, lors de laquelle les Français l’ont vu s’acoquiner avec un groupe de travestis immigrés en bas résille ; de l’affaire Benalla, qui a montré que loin de répudier les pratiques du “vieux monde” politicien, Macron les continuait ; et du « selfie » calamiteux de Saint-Martin, pris aux côtés d’un repris de justice à moitié nu et faisant un “doigt d’honneur”. Images d’un président «anormal », encore moins digne que son prédécesseur ! Les yeux des Français se sont dessillés, l’illusion construite par Macron s’est effondrée. S’y sont ajoutées les « petites phrases »prononcées à l’étranger pour critiquer les Français, les saillies méprisantes sur les ouvrières bretonnes illettrées, les conseils donnés à un horticulteur pour trouver un emploi de serveur en traversant la rue, tous les signes du mépris que le petit maître de la finance mondialisée éprouve à l’égard de ce peuple de croquants franchouillards. C’est ainsi que l’on pousse les « grenouilles » à la révolte et que s’allument les insurrections. Le mouvement des Gilets jaunes est né de ces erreurs, presque autant que de la protestation contre l’abus des taxes et contre l’ingérence de l’État dans la vie des Français. Mais les Gilets jaunes ont aussi repris à leur compte, sans en avoir conscience, plusieurs thèmes traditionnellement formulés par les penseurs contre-révolutionnaires, comme le rejet des partis politiques ; le refus du mondialisme ; un patriotisme illustré par l’image des manifestants chantant la Marseillaise autour de la tombe du soldat inconnu (le pouvoir eût sans doute préféré qu’ils la profanassent) ; le rejet du jacobinisme et l’aspiration à une reconnaissance de la France des périphéries– autrement dit à une décentralisation réelle ;ou encore le désir des Français d’être plus consultés sur les lois et règlements qui encadrent leur vie, ce qu’exprime la revendication sur le referendum d’initiative populaire ou citoyenne.Certains commentateurs – et aussi certains manifestants – ont voulu chercher dans cette insurrection une resucée révolutionnaire, qu’ils se sont souvent efforcés, sans succès, de rattacher à la France insoumise de Mélenchon. Mais on peut aussi y voir, avec plus de raisons, une révolte des citoyens contre la Révolution au pouvoir :voire, les prodromes d’une contre-révolution ?

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