« Nous pensons qu’en France, le sursaut est possible, que les Français vont à nouveau s’aimer eux-mêmes et s’aimer entre eux, pour se redécouvrir tels qu’ils sont : viscéralement catholiques. »

Numéro en cours

Eric Letty

Editorialiste

Macron a porté sa bonne parole aux Français confinés

Le 13 avril, lundi de Pâques, le président Macron a porté sa bonne parole aux Français confinés devant leurs écrans de télévision et donné la date que chacun attendait : celle du début de la fin de l’assignation à résidence surveillée à laquelle est soumis l’ensemble du peuple français depuis le 17 mars.Pour exprimer leur joie, nos aïeux auraient crié : Noël !Ou plutôt Pâques, en l’occurrence... La France est une nation héritière du catholicisme, à la construction de laquelle l’Église a pris une part déterminante. Il n’aurait donc pas été incongru qu’au lendemain de la principale fête chrétienne, son dirigeant provisoire ait un mot pour ses concitoyens et administrés, empêchés par sa propre décision de la célébrer dans leurs églises. Au minimum, il aurait pu imiter le Turc Erdogan, qui a transmis ses « meilleurs voeux à [ses] citoyens chrétiens de différentes Églises et de différents groupes pour Pâques, l’une des fêtes les plus importantes pour eux ». Un petit mot de ce genre n’aurait pas constitué une plus grande offense à la déesse Laïcité de la part de Macron, qu’il n’offensait Allah dans la bouche du musulman Erdogan.Dans ce contexte, ç’aurait été une simple politesse, un geste de courtoisie et aussi de compassion à l’égard de tous ceux qui, prisonniers chez eux ou dans des maisons de retraite, voire à l’hôpital et parfois sur le point de passer dans l’autre monde, ne peuvent pas bénéficier des secours de la religion parce qu’il en a été décidé ainsi pour les protéger, paraît-il. « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l’âme ». En ces temps d’épidémie, plus que d’habitude encore, les âmes sont confiées à la Miséricorde divine qui triomphe par la croix de Jésus Christ. Mais quel crime les prisonniers du confinement ont-ils commis, pour qu’on leur interdise, parvenus à leur dernière heure, si importante, de bénéficier de la consolation et de la paix qu’apporte le sacrement des malades, l’extrême onction ? Les grands criminels eux-mêmes, lorsqu’ils étaient condamnés à mort, avaient jadis le droit d’être accompagnés par un prêtre à leurs derniers instants. Macron l’a dit, ce 13 avril : « il n’y a pas que le virus qui tue : l’extrême solitude, le renoncement à d’autres soins peuvent être aussi dangereux. » Et les soins de l’âme ne sont pas moins nécessaires que ceux du corps.Mais il ne s’agit pas seulement de politesse ou de compassion. Dans son homélie du dimanche 19 avril, fête de la Miséricorde, en l’église Saint-Germain l’Auxerrois, Mgr Aupetit a posé la vraie question en évoquant les apôtres, « confinés » au Cénacle par peur de la mort,même après leur rencontre avec le Christ ressuscité.« Aujourd’hui, il y a aussi ce genre de terreur irraisonnée »,a dit l’archevêque de Paris. « Bien sûr, nous devons prendre des précautions, appliquer toutes les consignes qui protègent nos semblables, éviter la contagion de ce virusqui sème la mort, mais je vois tant de peurs aberrantes qui mènent à des conduites inhumaines d’abandon des personnes âgées, des mourants, des morts, que je finis parme demander dans quelle société nous vivons et qu’est-ce qui a conduit à de telles attitudes ? Que signifie alors “donner sa vie pour ceux qu’on aime” ? »Mgr Aupetit remarque que la pandémie nous oblige à nous rappeler la présence de la mort, « qui rôde partout au seuil de nos portes »et par laquelle le Christ Lui-même est passé « pour nous ouvrir à la résurrection, à la vie éternelle. » Mais, lorsqu’il se demande dans quelle société nous vivons, la réponse vient indirectement d’Emmanuel Macron : nous vivons dans une société si déchristianisée qu’il ne vient même plus à l’esprit du chef de l’Etat de souhaiter de bonnes Pâques aux Français – à moins qu’y ayant pensé, il s’en soit abstenu… Voilà pourquoi nous mourons comme des chiens. Comment cette société pourrait-elle supporter l’idée que la mort rôde à son seuil ? Pour reprendre courage, il lui faudra réentendre la petite voix de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus : « Non je ne meurs pas, j’entre dans la vie ».

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