Eric Letty
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Jeanne ou l’esprit de jeunesse
«MESSIREDIEU, premier servi ».Voilà cent ans, le 16 mai 1920, sainte Jeanne d’Arc fut canonisée par le pape Benoît XV. La France portait alors le deuil d’un million et demi de ses fils morts au champ d’honneur et de240 000 victimes de la grippe espagnole. Cent ans plus tard, notre pays traverse une nouvelle épreuve, beaucoup moins meurtrière, mais qui débouche déjà sur une crise économique susceptible d’entraîner des dommages humains considérables.Or, bien qu’Emmanuel Macron ait jugé de bonne politique de se rendre aux fêtes johanniques d’Orléans pendant sa campagne électorale, voilà longtemps que Messire Dieu n’est plus premier servi chez nous. Au contraire, la crise sanitaire a donné l’occasion au gouvernement de montrer leur hostilité au catholicisme en prolongeant l’interdiction de célébrer la messe – ce qui lui a valu, le 18 mai, un désaveu du Conseil d’État lui reprochant d’opprimer une « liberté fondamentale ».Ce n’est pas la première mesure liberticide adoptée parles pouvoirs publics. L’atteinte aux libertés essentielles a eu des conséquences tragiques, notamment dans les Ehpad, où de nombreux résidents sont morts esseulés, dans la plus grande misère affective et spirituelle, à laquelle l’État-Providence les a condamnés sous prétexte de les protéger.Me reviennent à la mémoire des lignes publiées par Pierre Gaxotte dans la Révolution française, en 1928 :« Prise dans le carcan administratif qu’elle porte depuis plus d’un siècle sans révolte et qui favorise si bien les tyrannies sectaires ou césariennes, la France d’aujourd’hui est sans résistance et sans force contre les ministres et les bureaux. Des techniciens et des “spécialistes” suffisent pour la conduire. »Le constat est le même aujourd’hui. Comment le peuple français a-t-il pu se laisser traiter ainsi sans réagir ? J’y vois deux raisons : la peur de la maladie et la crainte du gendarme. À ce propos, j’attends avec curiosité le prochain développement d’Emmanuel Macron sur les partis extrémistes qui prospèrent sur les peurs… Le bon orfèvre parle d’or !Les conséquences de cette utilisation des peurs sont redoutables. Récemment, trois jeunes femmes, pas beaucoup plus âgées que Jeanne à son procès, discutaient du déconfinement et de la politique gouvernementale. Deux d’entre elles souhaitaient plus de contrôle, de flicage, de rigueur légale, et fustigeaient l’indiscipline présumée des Français. Pauvre peuple, pourtant ! Pauvres« Gaulois réfractaires », pauvres latins prétendument indécrottables, si convaincus eux-mêmes de leur indignité qu’ils se laissent sans protester mettre en cage et infantiliser, par ces mêmes gouvernants dont l’incompétence les a conduits en résidence surveillée !On n’infantilise pas l’enfance. Ce qui habite Emmanuel Macron et son gouvernement, c’est « l’esprit de vieillesse qui conquiert patiemment le monde »vitupéré par Bernanos dans Jeanne, relapse et sainte:« Quand le vieux, de son doigt levé, déchaîne un millier de dactylographes et que la paix du monde va sortir de ces mécaniques, l’on voit entrer une petite fille moqueuse et tendre, qui n’appartient à personne, et répond d’une voix douce aux théologiens politiques avec des sentences et des proverbes, à la manière des bergers ». Si tant de jeunes Français ont inconsciemment partie liée avec le vieux, c’est parce qu’on leur a appris à confondre l’anarchie fardée de légalité, avec l’ordre légitime. Ainsi, les théologiens politiques rancis dans les honneurs dispensés par l’Anglais se prévalaient-ils de la légalité pour juger Jeanne, restauratrice de la légitimité ; ce faisant, ils trahissaient la France au nom de la « paix du monde »,illusoire mais pas désintéressée, comme le mondialiste Macron est prêt aujourd’hui à la sacrifier sur l’autel de son idéologie et de ses ambitions eurocratiques.Nous ne possédons pas de portrait de sainte Jeanne d’Arc ; mais la France a son visage depuis qu’en 1922,le pape Pie XI l’a instituée patronne secondaire de notre pays (associée à la Sainte Vierge, patronne principale).En cet anniversaire de sa canonisation, prions-là donc d’intercéder pour que notre pays retrouve l’esprit de jeunesse, qu’elle incarne à jamais.