« Nous pensons qu’en France, le sursaut est possible, que les Français vont à nouveau s’aimer eux-mêmes et s’aimer entre eux, pour se redécouvrir tels qu’ils sont : viscéralement catholiques. »

Numéro en cours

Eric Letty

Editorialiste

Un nouvel épisode de la farce démocratique

Tout le monde a perdu, écologistes compris. Le 28 juin, au second tour des élections municipales, les Français ont infligé un camouflet à l’ensemble de la classe politique en s’abstenant massivement. Lorsque six électeurs sur dix en viennent à bouder les urnes, on peut penser qu’il y a quelque chose de pourri dans la démocratie française. La jacquerie des Gilets jaunes l’avait déjà montré, en proclamant son rejet salubre des partis politiques et des syndicats – qui ne sont, eux aussi, que des rouages du système. Nos compatriotes confirment par leur abstention qu’ils ne sont plus dupes des bonimenteurs politiques qui veulent leur faire accroire qu’ils sont libres de choisir leur destin, alors que les jeux sont de plus en plus évidemment truqués.L’affaire Fillon vient d’en donner un nouvel exemple. En 2017, celui que l’on regardait déjà comme le gagnant de la présidentielle a fait pschitt, comme aurait dit Chirac, plombé comme un pigeon par les tirs croisés du Canard enchaîné et du parquet national financier. Je n’ai aucune inclination pour le sablé de la Sarthe, mol et flasque avaleur de couleuvres qui, pris dans la tourmente du« Pénélopegate », a poussé l’imbécillité jusqu’à accepter de se faire tailler des costards par un margoulin de la françafric et la pusillanimité jusqu’à appeler à voter pour son bourreau dans les cinq minutes qui ont suivi son élimination au premier tourde la présidentielle. Mais, aujourd’hui, l’ancien procureur de la République financier, Madame Eliane Houlette, déclare devant la commission parlementaire sur l’indépendance de la justice avoir subi dans cette affaire le « contrôle très étroit »et la « pression très lourde »du parquet général. Ces déclarations ne posent pas seulement la question de la légitimité de l’élection d’Emmanuel Macron, mais illustrent aussi de manière exemplaire la farce démocratique, trompe-l’oeil destiné à abuser les gogos tandis que la vraie partie se joue et se décide dans des cercles de pouvoir et d’influence, qui n’ont cure des desiderata et de la prétendue souveraineté du peuple français.La farce se poursuit, avec l’active participation des médias. Au soir de la réélection d’Edouard Philippe au Havre – acquise au deuxième tour avec les voix du quart des inscrits, ce qui n’a rien de triomphal –, les observateurs autorisés expliquaient que Macron aurait désormais du mal à se séparer d’un premier ministre devenu, paraît-il, très populaire auprès des Français…Or, ce n’est pas Macron qui avait intérêt à se débarrasser de son premier ministre, mais, au contraire, ce dernier qui devait quitter le rafiot gouvernemental en péril, auréolé de la pseudo-popularité qui ressort des enquêtes d’opinion.Cette faveur retrouvée me laisse sceptique. Au-delà d’un possible effet d’entraînement créé parles sondages, pourquoi Philippe, qui s’est trouvé associé à toutes les décisions du quinquennat Macron – y compris la « gestion » catastrophique de la crise sanitaire, ce qui lui vaut aujourd’hui de faire l’objet d’une information judiciaire – serait-il seul épargné par le désamour des Français à l’égard des politiciens ? Sans doute importe-t-il qu’il bénéficie de cette image flatteuse de premier ministre parti sous les bravos, au cas où il faudrait aligner un candidat de rechange en 2022 pour suppléer à une défaillance probable du pion Macron, que la crise économique de grande ampleur qui se profile à la rentrée achèvera de cramer. Et le spectacle continue, mesdames et messieurs…

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