« Nous pensons qu’en France, le sursaut est possible, que les Français vont à nouveau s’aimer eux-mêmes et s’aimer entre eux, pour se redécouvrir tels qu’ils sont : viscéralement catholiques. »

Numéro en cours

Eric Letty

Editorialiste

La justice sur la sellette

Le1er mars, pour la première fois, un ancien président de la République a été condamné à une peine de prison ferme – qu’il ne purgera cependant pas derrière les barreaux. Nicolas Sarkozy était jugé pour corruption active et trafic d’influence. Il se présente aujourd’hui comme victime de l’acharnement judiciaire et dénonce « la partialité de certains magistrats ».La polémique que ce verdict a déclenchée porte notamment sur l’indépendance de la justice, alors que les magistrats du parquet sont placés sous l’autorité du garde des Sceaux. À cet égard, il n’est pas surprenant que l’affaire Fillon figure en bonne place parmi les critiques adressées au parquet national financier. En janvier 2017, cette institution s’était auto-saisie le jour même où paraissait l’article du Canard enchaîné consacré aux emplois fictifs de Pénélope Fillon, ce qui en dit long sur les relations entre l’exécutif, la justice et les médias… Au mois de juin dernier, l’ancienne patronne du PNF Eliane Houlette, procureur de la République, avait déclaré, devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire, avoir subi à l’époque des pressions de la part du procureur général de Paris, Catherine Champrenault.Force est de constater que le PNF n’avance pas aussi vite dans l’affaire de la vente du pôle énergie d’Alstom à l’Américain General Electric en 2014, une trahison de l’intérêt national dont s’était rendu complice Emmanuel Macron, suspecté par le député Olivier Marleix d’avoir été impliqué dans un « pacte de corruption »…Problème connexe, la judiciarisation croissante de la vie politique et la peur des procès ligotent la prise de décision et entravent la liberté d’action des gouvernants. Qui sait dans quelle mesure la crainte d’être poursuivi devant les tribunaux n’a pas incité les autorités à adopter des mesures extrêmes dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19, par exemple ? Au mois de juillet dernier, plusieurs plaintes déposées contre l’ancien premier ministre Edouard Philippe et les ministres de la Santé Agnès Buzyn et Olivier Véran, avaient abouti à l’ouverture par la Cour de justice de la République d’une information judiciaire portant sur leur gestion de la crise sanitaire et le délit d’abstention de combattre un sinistre – passible de deux ans de prison et 30 000 euros d’amende. Au mois d’octobre, les gendarmes avaient perquisitionné les domiciles de ces trois ministres, du directeur général de la santé Jérôme Salomon et de l’ancien porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye, ainsi que les bureaux de certains d’entre eux. On peut, certes, critiquer à bon droit l’impréparation et les errements du pouvoir en place face à l’épidémie de coronavirus, le manque de masques, de tests, de traitements, les déclarations contradictoires d’Emmanuel Macron lui-même, etc. Mais le sentiment d’être menacé par une épée de Damoclès judiciaire n’est sûrement pas de nature à donner du courage à nos responsables en quête d’irresponsabilité.Pour autant, il est difficile d’imaginer que les élus (dont maints exemples ont montré qu’ils ne sont pas tous d’une scrupuleuse honnêteté) doivent être systématiquement abrités de toute sanction, et puissent impunément piller les caisses publiques, corrompre ou se laisser corrompre, en somme violer la loi qu’ils ont eux-mêmes mission d’élaborer – et que les juges ont pour fonction d’appliquer. Quant au commun des citoyens, « administré » et justiciable ordinaire, spectateur impuissant de ces jeux de pouvoir, il en vient à penser que la fameuse démocratie, dont il est supposé être à la fois l’acteur principal et le bénéficiaire, se réduit finalement à bien peu de chose.

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