Eric Letty
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Un caillou dans la chaussure de nos politiciens
Le 12 décembre pour la troisième fois depuis 2018, nos compatriotes néo-calédoniens seront invités à se prononcer pour ou contre l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie. En 1998, les accords de Nouméa avaient prévu d’engager cette île française du Pacifique « sur la voie de la pleine souveraineté »et d’organiser un référendum d’autodétermination, au plus tard en2018. Si, malgré tout, le résultat du scrutin ne donnait pas la victoire aux indépendantistes, il était prévu d’en organiser deux autres, en 2020 et 2021 ; sur les trois, on parviendrait peut-être au résultat espéré… Par une arithmétique peu équitable, il faut, en effet, que les loyalistes gagnent les trois consultations pour que la Nouvelle-Calédonie reste française ; mais il suffirait que les indépendantistes en remportent une seule pour qu’elle cesse de l’être !Le référendum de 2018 ayant donné une large victoire (56,7 %) aux partisans du maintien du territoire dans la France, on en a donc organisé un deuxième en2020, également gagné par les loyalistes (53,3 %). La troisième tentative est programmée pour le 12décembre. Les indépendantistes la jugent-ils perdue d’avance ? Après avoir vainement demandé un report du scrutin, ils ont appelé à le boycotter, s’efforcent d’en délégitimer par avance le résultat et parlent d’une« déclaration de guerre », ce qui laisse présager des violences en cas de nouvelle victoire loyaliste.Dans l’ombre ou la pénombre, s’activent les puissances qui aimeraient bien prendre la place des Français sur le “caillou” : nos bons alliés anglo-saxons (Australiens et Néo-Zélandais en tête), qui ont montré récemment encore ce que vaut leur “amitié” ; et les Chinois, qui se sont déjà infiltrés sur l’île économiquement, mais aussi politiquement en soutenant les partis indépendantistes et en conseillant les chefs tribaux. La perspective de voir les Français décamper, en abandonnant l’île à des indépendantistes déjà sous leur influence et d’autant plus manipulables que l’économie serait grandement désorganisée par le départ prévisible d’une partie des Caldoches et des Wallisiens, ne peut que réjouir Pékin.Pour toutes ces bonnes âmes, les Français “colonialistes” sont des intrus qui n’ont rien à faire dans le Pacifique, pré-carré pour les uns, chasse gardée pour les autres. Une Nouvelle-Calédonie divorcée de la France apporterait, en cas de remariage, une très belle dot : elle possède la deuxième réserve mondiale de nickel (la Chine est son premier client), des fonds marins riches en nodules polymétalliques et en terres rares utilisées dans les fabrications de haute technologie, des atouts touristiques et une biodiversité exceptionnelle. Stratégiquement, pour les Chinois, ce serait un porte-avion naturel proche de l’Australie. Il est douteux, en revanche, que les Néo-Calédoniens tirent plus de profit d’une néo-colonisation par la Chine ou les Anglo-Saxons que de l’autonomie dont ils bénéficient aujourd’hui au sein de la France.Mais l’inscription de l’île sur la liste des territoires qui restent encore à « décoloniser » dressée par l’ONU impressionne nos politiciens : le 2 juin dernier, le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu, rappelait que l’État français « est engagé dans un processus de décolonisation qu’il mène sous l’égide des Nations-Unies », qu’il juge inévitable… à moins d’avoir un semblant de courage politique qui lui fait défaut, ainsi qu’à Emmanuel Macron, indifférent à l’intérêt national. En visite sur le “caillou” au mois de mai 2018, six mois avant le premier référendum, le Président de la République, tout en constatant que « dans cette région du globe, la Chine est en train de construire son hégémonie pas à pas », avait déclaré qu’il n’était pas de sa « responsabilité »de se prononcer en faveur du maintien de l’île dans la France.C’est parce que cette irresponsabilité et ces palinodies n’ont pas cours à Pékin que la France risque de céder un jour sa place à la Chine, même si les indépendantistes perdent la troisième consultation.