« Nous pensons qu’en France, le sursaut est possible, que les Français vont à nouveau s’aimer eux-mêmes et s’aimer entre eux, pour se redécouvrir tels qu’ils sont : viscéralement catholiques. »

Numéro en cours

Eric Letty

Editorialiste

Le fruit de vos entrailles est béni

En cette fin d’année, la culture de mort accomplit de nouveaux pas. Le 24 novembre, l’Assemblée nationale a voté l’inscription du prétendu droit à l’avortement dans la Constitution française, les tables de la loi républicaine. On peut penser que cela ne changera pas grand-chose, le meurtre de l’enfant à naître étant devenu un impératif catégorique qui a pénétré les mentalités de nos contemporains, même parmi les catholiques : selon un récent sondage, seulement 42 % des pratiquants disent réprouver moralement cet acte, que le Catéchisme de l’Église catholique qualifie pourtant de « crime abominable ».Au contraire, l’Église reconnaît « le droit inaliénable à la vie de tout individu humain innocent »comme « un élément constitutif de la société civile et de sa législation ». C’est ce droit-là qui devrait être gravé dans le marbre constitutionnel. La préférence solennellement donnée à la mort sur la vie et au mal sur le vrai bien au nom du peuple français, est un acte symbolique fort, le sceau de la déchristianisation imprimé sur notre pays. L’apostasie officielle a pour conséquence le retour à la barbarie. Nous avons renoué avec le culte de Moloch, auquel les Ammonites sacrifiaient leurs enfants en les jetant au feu ; voici le massacre des innocents. Il ne peut exister aucun “droit“ à l’homicide chez un peuple civilisé.

Il n’est pas indifférent que cette proposition de loi infâme ait été adoptée par les députés le 24 novembre – un mois avant la nuit de Noël. Toutes les nuits ne se ressemblent pas. Celle dans laquelle la France s’obstine à s’enfoncer est ténébreuse ; lumineuse, au contraire, celle qu’éclaire la naissance de l’enfant Dieu.

Le procès a parfois été fait au christianisme de mépriser le corps, parce qu’il affirme avec Jésus que la chair est faible et l’esprit ardent ; mais il est au contraire la religion de l’Incarnation. À l’Annonciation, grâce au « fiat » de Marie, le Verbe éternel de Dieu, engendré avant les siècles, par qui tout a été fait et sans qui rien n’a été fait dans l’univers nous dit saint Jean, prend chair, par une sorte de “Bigbang” spirituel, sous la forme d’une première cellule dans l’utérus de la Sainte Vierge, le « fruit de ses entrailles ». Cette merveille est un si grand scandale que certains théologiens y ont vu la cause de la révolte du diable et que de nombreuses hérésies ont refusé de l’admettre : l’Esprit divin ne pouvait pas devenir le captif de la chair humaine, tirée de la boue originelle.

Le rejet du christianisme par la société contemporaine aboutit aussi à une dépréciation de la chair, inhérente au matérialisme. La légalisation de l’avortement a ouvert une brèche fondamentale dans notre civilisation fondée sur le respect de la personne humaine, brèche par laquelle se sont introduites d’autres dérives : les manipulations et le trigénétiques, les expérimentations sur l’embryon, la création de chimères mi-humaines, mi-animales, la suppression de la paternité par la PMA sans père, la dissociation de l’enfant et de la maternité par la gestation dite pour autrui, que la Commission européenne ambitionne d’autoriser. Dès lors que l’on considère l’embryon comme un matériau, tout est permis ; et si la destruction de la vie humaine innocente est un droit à son début, pourquoi ne le serait-elle pas à sa fin ou même en son milieu ? La banalisation et la promotion du crime contre l’enfant à naître ont bousculé tous les repères moraux, jusqu’à conduire finalement au désir de recréer une humanité parfaite. Mais cette pseudo-déification de l’être humain aboutit au refus du corps, de la temporalité et finalement de l’humanité. Le gouvernement français projette aussi de légaliser l’euthanasie, qui sera sans doute ultérieurement appelée, comme l’avortement, à devenir un droit fondamental, inscrit dans la Constitution. On jette la vie à la poubelle.

À Noël, au contraire, le christianisme enseigne que Dieu se fait homme et, s’abaissant jusqu’à sa créature, l’élève du même mouvement jusqu’à Lui. Jésus nous rejoint jusque dans l’abîme de la souffrance, lorsque Sa divinité est voilée sur la Croix, et que l’homme se croit abandonné face au Mal. C’est l’homme des douleurs, celui auquel les euthanasistes dénient toute « dignité ». Mais, de l’Annonciation à la Résurrection, l’incarnation du Fils de Dieu proclame au contraire la victoire sur la mort d’une humanité en Lui restaurée et délivrée du mal. Joyeux Noël à tous nos lecteurs !

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