« Nous pensons qu’en France, le sursaut est possible, que les Français vont à nouveau s’aimer eux-mêmes et s’aimer entre eux, pour se redécouvrir tels qu’ils sont : viscéralement catholiques. »

Numéro en cours

Eric Letty

Editorialiste

Le grand dérangement

Même parmi les migrants qui tentent de pénétrer clandestinement en Europe sur des embarcations de fortune, pour le plus grand profit des trafiquants et des mafias, l’antichristianisme fait des victimes, comme l’a montré l’assassinat de douze chrétiens jetés à la mer par des musulmans dans la nuit du 14 au 15 avril. Une quinzaine d’hommes, accusés d’avoir participé à cette tuerie, ont été incarcérés par la police italienne ; mais combien se trouve-t-il d’islamistes non moins fanatiques, parmi les dizaines de milliers de personnes qui débarquent sur les côtes européennes, au terme d’odyssées qui peuvent se terminer par le naufrage et la noyade ?

Face à ces arrivées massives et à ces naufrages, nos politiciens affectent, tantôt de s’inquiéter, tantôt de verser des larmes de crocodile. Ils sont pourtant en grande partie responsables de cette situation. Nicolas Sarkozy et son ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, ont contribué à déstabiliser toute la région en supprimant Mouammar Kadhafi et son régime dictatorial. Il n’y aurait sans doute pas lieu de regretter la disparition de Kadhafi si les Français avaient prévu et mis en place un « plan B » crédible, mais ça n’a pas été le cas. Avant même qu’aient été oubliées les rodomontades lyriques de Bernard-Henri Lévy, la région sombrait dans un chaos qui, par la suite, a contraint la France à intervenir au Mali. Le président tchadien, Idriss Déby, accuse aujourd’hui la France, non sans raison, hélas, d’avoir armé Boko-Haram, qui n’a eu qu’à se servir dans l’arsenal du raïs libyen déchu – sans parler des armes généreusement distribuées à ses opposants par les Français euxmêmes, et « disparues » dans le désert… François Hollande a poursuivi la même politique en armant la « résistance » au régime de Bachar el Assad, dont la chute ne manquerait pas de produire en Syrie des conséquences comparables à celle de Saddam Hussein en Irak.

Des commentateurs avisés observent aujourd’hui qu’il est vain de déplorer les migrations massives si l’on n’en soigne pas les causes. En tête de ces causes, qui poussent des milliers de personnes à prendre des risques considérables pour s’exiler, figurent les conflits et la pauvreté. L’Europe, principalement concernée et menacée, ne parviendra pas à résister à cette poussée par la politique de la canonnière: qui tirerait sur des canots de miséreux, encombrés de femmes et d’enfants ? Je l’ai compris voilà quinze ans, en enquêtant aux portes de l’Europe, assiégées par des nuées de misérables qui campent durant des mois dans les rochers en attendant l’occasion de passer en fraude les frontières de l’eldorado.

La seule solution consiste à traiter ces causes à l’origine, par le partage des richesses qu’ont prêché les papes et par un engagement décomplexé de toute fausse culpabilité pour aider au développement de ces pays. Si, au contraire, l’Europe reste assise sur son matérialisme, son consumérisme et son égoïsme, elle en mourra. Alors que les bons apôtres du politiquement correct, plutôt que de souligner les abus actuels, dénigrent la colonisation de bon-papa – dont Jacques Marseille a pourtant montré qu’elle coûta beaucoup plus cher aux Européens qu’elle ne leur rapporta – jamais le cynisme n’a été poussé si loin. Pendant que nous battons notre coulpe sur la poitrine de nos aïeux, les multinationales du monde riche pillent les ressources naturelles et humaines (via l’immigration « choisie ») des pays pauvres. Pour les populations fascinées par le mirage occidental, l’exil devient alors une solution miracle. Ainsi se met en place une logique d’émigration totale, qui aboutira à la submersion de nos propres nations, sans que les pays d’origine ne s’en trouvent mieux. Déracinement là-bas, déracinement ici, la disparition des peuples ne profitera finalement qu’aux bénéficiaires du mondialisme.

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