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Education nationale : la Révolution par la loi
Claude Meunier-Berthelot a fait toute sa carrière dans l’Education nationale, où elle a enseigné auprès d’élèves de classes terminales préparant les concours d’entrée dans les instituts paramédicaux ou sociaux. Depuis 2000, elle a publié cinq ouvrages sur l’évolution et l’autodestruction de l’enseignement public et privé sous contrat en France. Elle montre clairement que le grand dessein réformateur qui se concrétise aujourd’hui remonte à l’immédiat après-guerre.
Claude Meunier-Berthelot, vous avez beaucoup écrit sur la dégradation programmée de l’Education nationale. Vous insistez sur le fait que, s’il faut chercher des coupables, ce ne sont ni les enfants ni les professeurs, mais les concepteurs des méthodes pédagogiques ineptes, destructrices de l’intelligence, qui obligent à des programmes de plus en plus vides. Quand ce processus a-t-il commencé ?
Toutes les réformes de l’Education nationale ont une référence incontournable : le plan Langevin-Wallon, simple projet remis au président du Conseil Paul Ramadier le 19 juin 1947, projet qui n’a jamais été voté car les communistes venaient de quitter le gouvernement et les auteurs du Plan étaient justement deux communistes : le physicien Paul Langevin (1872-1946) et le pédagogue Henri Wallon (1876-1962) qui prétendaient « proposer pour la France un grand système éducatif démocratique, qui lui permette de rattraper son [prétendu] retard» pris – implicitement dit – à cause du Régime de Vichy. Dès le 15 mars 1944, le Conseil National de la Résistance s’était réuni pour procéder à ce qu’ils ont appelé eux-mêmes « une Révolution par la loi». L’expression est forte et le paradoxe est que ce fameux Plan semble rester lettre morte alors qu’il servira de référence à tous les réformateurs jusqu’à Claude Allègre, celui-là même qui signe l’aboutissement du processus de destruction de l’institution scolaire par sa « charte pour bâtir l’Ecole du XXIème siècle », lui le véritable initiateur de la « refondation » actuelle de l’Ecole. Les auteurs du Plan Langevin savaient d’ailleurs qu’ils travaillaient pour le long terme : «… L’application intégrale de la réforme est impossible dans l’immédiat…la mise en œuvre du projet dans sa totalité ne peut se faire que progressivement… ».
Quel est l’objectif ultime ?
Dans ce plan, il est annoncé – je cite – qu’ « il s’agira de faire en sorte que les enfants français aient la possibilité effective de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée afin que les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui auront les capacités pour les exercer et que soit promue une élite véritable, non de naissance mais de mérite et constamment renouvelée par les apports populaires… ». Il faut noter que les révolutionnaires annoncent toujours des objectifs très ambitieux quand précisément, ils ne le sont pas ! D’ailleurs, puis-qu’il s’agit de « réaliser l’égalité réelle entre tous les enfants», il est bien évident qu’il faut couper les têtes qui dépassent et que le nivellement se fait par le bas. De façon plus révolutionnaire encore, il est déclaré : « La réforme de notre enseignement doit être l’affirmation dans nos institutions du droit des jeunes à un développement complet… ». Au fond, il faut réaliser un communisme citoyen grâce à l’Education nationale qui ne prétend pas seulement à la nécessité d’une instruction publique, mais à ce que l’on appelle « le développement » de l’homme, son éducation égalitaire.
Ceci est un extrait de l'entretien paru dans le numéro 908 en vente dans notre espace boutique
Propos recueillis par Guillaume de Tanoüarn