Eric Letty
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Une encyclique hors les murs
Nous avons lieu de nous réjouir de l’accueil réservé à l’encyclique du pape François, Laudato Si’. Pour une fois, le catholicisme n’est pas tourné en ridicule, ni accusé d’archaïsme ou d’intolérance. La chose est si rare que je m’en suis d’abord inquiété : qu’y avait-il dans ce texte qui justifiât tant de louanges des habituels contempteurs de l’Eglise ? Sa lecture m’a rassuré : cette encyclique ajoute à la doctrine sociale de l’Eglise un chapitre qui n’est pas inutile. Le thème de l’écologie avait d’ailleurs déjà été abordé par le pape Benoît XVI dans son encyclique Caritas in Veritate. Il y écrivait : « L’Eglise a une responsabilité envers la création et doit la faire valoir publiquement aussi. Ce faisant, elle doit préserver non seulement la terre, l’eau et l’air comme dons de la création appartenant à tous, elle doit surtout protéger l’homme de sa propre destruction. Une sorte d’écologie de l’homme, comprise de manière juste, est nécessaire. » Le pape François insiste, de même, sur les devoirs de l’homme à l’égard de la Création, « jardin du monde » que Dieu lui a confiée pour le « cultiver et garder ». Il rappelle, utilement, que c’est à Dieu qu’appartient « la terre et tout ce qui s’y trouve ».Certains aspects de cette encyclique m’ont toutefois interloqué. En premier lieu, elle ne s’adresse pas particulièrement aux évêques, ni même aux catholiques, le pape s’adressant plutôt aux « chrétiens », aux « croyants » et plus largement « à toutes les personnes de bonne volonté ». L’encyclique quitte l’enceinte de l’Eglise. Pour cette raison peut-être, le premier chapitre dresse un long état des lieux en matière de pollution, où il est peu question de Dieu et qui ne relève pas du domaine de la foi, comme lui-même le souligne : « Sur beaucoup de questions concrètes, en principe, l’Eglise n’a pas de raison de proposer une parole définitive et elle comprend qu’elle doit écouter puis promouvoir le débat honnête entre scientifiques, en respectant la diversité d’opinions. » Par ailleurs, le pape argentin condamne à juste titre le consumérisme débridé et les gaspillages des pays riches, appelle avec raison à un meilleur partage des richesses, mais oppose d’une manière assez manichéenne le nord et le sud, en accusant les seules nations développées d’être responsables de la pollution – alors que des pays « émergents » comme la Chine ou l’Inde se préoccupent peu de l’état de la planète. Enfin, le pape a une conception paradoxale et contradictoire du rôle des nations. Il évoque plus volontiers les peuples ; mais peut-on séparer ces deux notions ? D’une part, le Saint-Père accuse les « énormes intérêts internationaux », économiques et financiers, qui portent « atteinte aux souverainetés nationales » et place la nation – de même que la famille et les communautés locales – au cœur de l’« écologie sociale » où « se régulent les relations humaines » ; mais, d’autre part, il paraît considérer la nation comme un archaïsme, accuse les pays de faire passer leurs intérêts nationaux égoïstes « au-dessus du bien commun général » et préconise de les chapeauter par des « institutions internationales », dotées d’un pouvoir de sanction. Ces « institutions internationales », aujourd’hui, sont essentiellement les Nations-Unies. Or, en matière de planification des naissances en particulier, les agences onusiennes pratiquent une politique malthusienne en contradiction totale avec l’anthropologie chrétienne, dont le Saint-Père ne se fait pas faute de rappeler les principes fondamentaux : défense de la vie dès la conception, importance de la famille, distinction et complémentarité des genres féminin et masculin – sans que cela dissuade de l’applaudir les propagandistes ordinaires de l’avortement ou de la théorie du genre !