« Nous pensons qu’en France, le sursaut est possible, que les Français vont à nouveau s’aimer eux-mêmes et s’aimer entre eux, pour se redécouvrir tels qu’ils sont : viscéralement catholiques. »

Numéro en cours

Eric Letty

Editorialiste

Le maître de com’

Au spectacle que donnent aujourd’hui le président de la République et son gouvernement, remonte à ma mémoire le vers de Hérédia : « Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal… ». Cette manière de sucer jusqu’à la dernière goutte de sang coagulé, de ronger jusqu’à la moelle les victimes des attentats de janvier et de novembre 2015 évoque jusqu’à la nausée les charognards. Le pis est que ce répugnant exercice de récupération de cadavres, d’un effarant cynisme, est salué par la caste médiatique qui prétend y trouver la manifestation, si longtemps attendue, de la véritable dimension présidentielle de François Hollande, qui aurait enfin revêtu la défroque élyséenne comme Dracula endosse son costume de vampire avant d’entrer en scène. Les fleurs du 13 novembre ne sont pas encore fanées au bord des tombes, que nous sommes déjà entrés dans la commémoration du 11 janvier, dépôt de gerbes et inaugurations de stèles à l’appui, en égratignant au passage le nom du dessinateur Wolinski – car rien de ce qu’entreprend Hollande n’est à l’abri du ridicule. Nous n’aurons même pas évité les remises de légions d’honneur à titre posthume pour décorer Cabu et ses copains, ce qui a inspiré au Canard enchaîné ce titre bienvenu : « Hommages ! Ô désespoir ! » Épingler la rosette sur le mausolée du libertaire Cabu, c’est un peu comme si Maurras avait eu les funérailles nationales dont le menaçait jadis Bernanos. Pauvre Cabu !Soyons juste : il faut reconnaître que Hollande fait du mieux pour se pénétrer de son nouveau rôle. Contraignant son naturel, il a rempoché son almanach de petites blagues espiègles et s’est composé une physionomie de circonstance, en confondant quelque peu constipation et gravité. Entre deux nécropoles, il apparaît aux Français pour les avertir que le terrorisme continue de les menacer, tout en leur affirmant, rassurant, que l’État les protège et que sa police déjoue quotidiennement des attentats. Grâces lui en soit rendues. Malheureusement, à cet instant précis, comme pour le démentir, un homme attaque un commissariat, en invoquant Allah de la même manière que celui qui, quelques jours auparavant, avait tenté au volant d’une voiture d’écraser des militaires de faction auprès d’une mosquée. Malheureusement aussi, la proposition de déchoir les terroristes binationaux de la nationalité française suffit à déclencher une polémique dans les rangs de la majorité gouvernementale et suscite l’opposition publique du Garde des Sceaux, Christiane Taubira, sans d’ailleurs que Manuel Valls tire les conséquences de cette insubordination.Malheureusement toujours, tandis que la situation se dégrade au Moyen-Orient, la diplomatie française se trouve discréditée par la politique incohérente initiée par le couple Sarkozy-Juppé et aggravée par le tandem Hollande-Fabius. Et la France, hélas, à un moment où elle aurait le plus grand besoin d’être conduite par un vrai chef politique, est livrée à un petit maître de com’.Malgré ce constat qui ne porte pas à l’optimisme, je souhaite une bonne année 2016 à tous les lecteurs de Monde&Vie.  

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