« Nous pensons qu’en France, le sursaut est possible, que les Français vont à nouveau s’aimer eux-mêmes et s’aimer entre eux, pour se redécouvrir tels qu’ils sont : viscéralement catholiques. »

Numéro en cours

Eric Letty

Editorialiste

Les Pâques de Jeanne

En Grande-Bretagne, David Cameron, a souhaité de bonnes fêtes de Pâques à ses compatriotes et déclaré : « Nous devrions tous être fiers de dire “Ceci est un pays chrétien”. » Certains commentateurs ont observé que la proximité des élections au Royaume-Uni pouvait expliquer cette sollicitude ; mais ce n’est pas la première fois que le Premier ministre britannique tient de tels propos. En avril 2014, déjà, il avait souhaité, dans son message de Pâques, que la Grande-Bretagne montre « davantage d’assurance quant à son statut de pays chrétien ». Le Mali n’est pas un pays chrétien, 90 % de la population y est musulmane. Pourtant, le président Ibrahim Boubacar Keita a souhaité de « joyeuses Pâques » à ses compatriotes chrétiens, en rappelant que « le Sacrifice de Jésus-Christ et sa résurrection pour obtenir le salut de son peuple [sont] les exemples les plus achevés de la Miséricorde et du Pardon ». En France, pays dont l’histoire et le présent sont indissociables du catholicisme, mais dont le gouvernement est animé par une conception sectaire de la laïcité, ni le président de la République, ni le premier ministre n’ont cru devoir évoquer les fêtes de Pâques. Dix jours plus tôt, en revanche, Manuel Valls avait montré sa sollicitude à l’égard de l’Église en appelant le cardinal Barbarin, sujet à un véritable lynchage médiatique, à « prendre ses responsabilités », c’est-à-dire à démissionner comme devait le dire plus franchement une certaine Juliette Méadel, improbable secrétaire d’État à « l’aide aux victimes » dont personne, sauf peut-être madame sa mère, n’avait jusqu’alors entendu parler. Il eût été déraisonnable, dans ces conditions, d’attendre que l’actuel ministre de la Culture, la franco-marocaine Audrey Azoulay, se rendît au Puy du Fou le 20 mars, une semaine avant la grande joie de Pâques, pour y accueillir l’anneau de Jeanne d’Arc. Son absence importait peu, mais soulignait, une fois encore, le divorce entre le pays légal et le pays réel, représenté ce jour-là par les milliers de Français enthousiastes venus rendre hommage à la Pucelle, qui porte le visage éternellement jeune de l’Espérance et qui est dans l’histoire de France, comme le dit Philippe de Villiers, « le plus beau trait d’union entre le ciel et la terre », le lien entre le Royaume de Dieu et ce doux royaume de France qu’il nous est donné d’aimer ici-bas, par préférence. Quel symbole, près d’un siècle après la canonisation de Jeanne, alors que notre pays est en proie au doute comme il l’était en 1429 avant la délivrance d’Orléans et le sacre du roi à Reims, que ce retour de l’anneau en terre française, entre une haie de saint-cyriens en grande tenue chantant les beaux vers de Péguy, le poète du Mystère de la charité de Jeanne d’Arc, tué sur la Marne voilà un siècle aussi : « Heureux ceux qui sont morts dans les grandes batailles, couchés dessus le sol à la face de Dieu. (…) Heureux les épis mûrs et les blés moissonnés ». Il faut en remercier Philippe de Villiers. Par lui, c’est un clin d’œil de Jeanne, une charité que le ciel nous a faite à la veille de l’éblouissement renouvelé de Pâques. Alléluia !  

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