« Nous pensons qu’en France, le sursaut est possible, que les Français vont à nouveau s’aimer eux-mêmes et s’aimer entre eux, pour se redécouvrir tels qu’ils sont : viscéralement catholiques. »

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Christophe Mahieu

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Rome et la France

En l’espace de trois mois, le pape François a resserré les liens avec la France, tant sur le plan politique que médiatique. Mais la visite À la fille aînée de l’Église n’est pas pour demain…

Depuis le 10 mai dernier, la France a enfin un nouvel ambassadeur près le Saint-Siège. Le choix s’est porté sur le catholique et père de famille Philippe Zeller, pur produit de l’administration et de la diplomatie françaises. Rappelons qu’il n’y avait pas de locataire à la fameuse Villa Bonaparte depuis plus d’un an, puisque le Saint-Siège avait refusé le choix du gouvernement français en la personne de Laurent Stefanini. Fin connaisseur de l’Église, proche de nombreux cardinaux, Stefanini, dont l’homosexualité a été révélée par la presse, s’est trouvé malgré lui au centre d’un imbroglio politique puisque cette nomination intervenait moins de deux ans après le vote de la loi Taubira sur le mariage pour tous. Si bien que Rome, qui déteste être instrumentalisée, se trouva très vite dans une impasse : en refusant la nomination de Stefanini, François écornait son image de pape d’ouverture depuis sa fameuse petite phrase : « Qui suis-je pour juger ? » ; en l’acceptant, il aurait donné l’impression de se désolidariser de l’ensemble du mouvement français contre le mariage pour tous. Une trahison qui n’aurait jamais été comprise par les catholiques français, en première ligne sur le sujet. Ce n’était pas la première fois que la France faisait une telle bourde puisque Nicolas Sarkozy, lui aussi, avait nommé un pacsé qui, pour le coup, ne cachait absolument pas ses orientations sexuelles. Les mêmes causes produisant les mêmes conséquences, le Vatican se mura dans un silence réprobateur comme il a l’usage de le faire dans ce type de situation. Il aura fallu plus d’un an pour  que la France finisse par céder. En effet, il y avait comme une forme de contre-sens chez François Hollande que de ne pas vouloir nommer un ambassadeur près le Saint-Siège. En dehors de l’isolement diplomatique qui en était la résultante (le réseau diplomatique du Vatican est une plateforme de renseignements de première main), on pouvait à juste titre s’étonner que le gouvernement socialiste n’arrivât pas à s’entendre avec un pape plébiscité par l’administration démocrate d'Obama pour son discours social. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, en mars dernier, le pape François a reçu au Vatican les Poissons roses et le think tank Esprit civique, tous deux proches du Parti socialiste. On pouvait voir dans cette délégation des députés comme Dominique Potier (PS, Meurthe-et-Moselle), Monique Rabin (PS, Loire-Atlantique) ou encore Bruno Nestor Azerot du parti de la Gauche démocrate et républicaine (Martinique). C’est au cours de cet entretien que le pape argentin parla d’« invasion arabe » à propos de l’immigration, ce qui fit naturellement grand bruit. Mais le chef de l’Église catholique avait pourtant ajouté tout de suite après : « Combien d’invasions l’Europe a connues ! Et elle a toujours su se dépasser elle-même, aller de l’avant pour se trouver ensuite comme agrandie par l’échange entre les cultures. »Près d’un mois et demi plus tard, il persista dans un entretien accordé au quotidien La Croix (17 mai 2016) en prônant une forme de multiculturalisme. L’Europe pour lui doit « retrouver sa capacité d’intégrer » et voir dans les populations immigrées un moyen de pallier la dénatalité et « le vide démographique [qui] s’installe ». Nettement plus étrange, voire complètement douteux, a été sa comparaison de l’expansion de l’Islam d’avec celle du Christianisme des premiers temps : « Allez donc, enseignez toutes les nations les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. » dit l’Évangile de saint Matthieu que le pape a placé sur un pied d’égalité avec les messages de conquête des frères musulmans !  Mais François cultive toujours le froid et le chaud. Alors il reprochera aussi le laïcisme de la France : « La petite critique que j’adresserais à la France […] est d’exagérer la laïcité. Cela provient d’une manière de considérer les religions comme une sous-culture et non comme une culture à part entière. Je crains que cette approche, qui se comprend par l’héritage des Lumières, ne demeure encore. » Tout en critiquant aussi une conception « colonialiste » (sic !) des racines chrétiennes de la France, François souhaite que l’Europe retrouve malgré tout « ses racines ». Quelles sont-elles ? Nous ne le saurons pas… Au fond, le caractère « américain et latin » de ce pape nous amène à nous demander s’il comprend véritablement la vocation et surtout la réalité de la France contemporaine et de ces bataillons catholiques qui, aujourd’hui, selon le mot de l’abbé Grosjean, n’hésitent pas à s’engager. On sent derrière son refus du « triomphalisme » (faut-il dire l’identité catholique si chère à Benoît XVI ?) une critique indirecte du catholicisme français comme bastion d’opposants. François n’est pas un pape d’opposition ou de confrontation, mais de contournement ou de « processus ». D’où le décalage entre le catholicisme français et lui. D’où le report systématique aussi d’un voyage dans notre pays, sur fond de relations politiques tendues avec le gouvernement français. Un périple qui n’est pas prêt de se faire puisqu’un pape, c’est la coutume prudente du Vatican, ne visite jamais un pays à la veille d’élection. Reste que ses déclarations font de lui un homme politiquement à gauche. 

Christophe Mahieu

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