Eric Letty
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Nicolas et ses courtisans
Patrick Buisson sera-t-il le Saint-Simon de la Sarkozie ? SAUF QUE la basse-cour du petit Nicolas ne ressemble pas à la cour du grand roi. en publiant La Cause du peuple, le bouc émissaire chassé par Sarkozy en 2014 montre que les charges caprines peuvent être redoutables.
Après avoir pris une part déterminante à l’élection de Sarkozy en 2007, le journaliste a continué à le conseiller tout au long de son quinquennat. Le portrait qu’il dresse du couple présidentiel est peu amène. Le prédécesseur de François Hollande y est peint au naturel, sous le jour peu flatteur d’un démagogue qui n’a « jamais eu pour conviction que son intérêt instantané et, son intérêt changeant, [n’a] cessé de changer d’idées en y mettant toute l’énergie de ses insincérités successives ». Les Français ont eu l’occasion de s’en apercevoir. Dès le commencement de son quinquennat, rappelle Patrick Buisson, Sarkozy désacralise la fonction présidentielle, en se comportant en « star académicien de la présidentielle » : « Le nouveau style élyséen faisait système avec l’époque du tout à l’ego. Il y avait quelque chose de circulaire entre la frénésie épiphanique de ce président m’as-tu-vu et l’insatiable voyeurisme des chaînes d’information continue. Entre la médiacratie et la médiocratie ». Dès lors, il n’apparaît plus comme « le président de tous les Français », mais comme « le président comme tous les Français », incapable de tenir son rang, apostrophant ses opposants avec un langage de charretier (« c’est toi qui as dit ça ? Eh ben, descends un peu le dire… » ; « Casse-toi, pauv’con ! »), ou consultant ses textos devant le pape, au Vatican…
Sous l’empire de Carla
Buisson le montre ainsi « engageant un processus de privatisation du pouvoir qui allait de pair avec le spectacle de l’infantilisation de celui qui l’exerçait. Le chef né pour “cheffer” était en réalité un fragile séducteur subjugué par ses conquêtes, un faux dur submergé par un état permanent de dépendance affective, une âme malheureuse qu’habitait non pas le dur désir de durer, mais celui d’être aimé. Ce mâle dominant vivait sous l’empire des femmes. » En l’occurrence, après l’empire de Cécilia, celui, croissant, de Carla Bruni.Les épousailles de Nicolas Sarkozy avec cette « grande bourgeoise aux idées avancées », devaient avoir des conséquences politiques, pas seulement parce que la nouvelle première dame (et troisième épouse) « était dotée d’une conscience de gauche », mais surtout parce que « dans sa manière de penser et d’agir, son mode de vie et le choix de son entourage, son rapport à l’argent et au pouvoir et jusqu’à sa façon de voir les autres et de se regarder elle-même, tout en elle portait la marque d’une authentique conscience de classe ». Tout la sépare, en effet, des « ploucs » ou des « péquenots », « appellation générique qui, dans son esprit, recouvrait différentes populations, dont le dénominateur commun était de partager des goûts pathétiques, des mœurs archaïques, ainsi qu’un regrettable attachement à leurs racines » et auxquels elle reproche avant tout d’être laids… Au cours d’un dîner en avril 2008, auquel participaient entre autres, outre le couple présidentiel, le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner et son épouse Christine Ockrent, Carla expliqua, rapporte Buisson, que « si les Français en général manifestaient une déplorable et fâcheuse tendance à l’entre-soi et au repliement frileux, c’était le huis clos de l’endogamie qu’il fallait, d’après elle, incriminer, ce “vieux sang pourri” qui ne se renouvelait pas et, pis encore, refusait de se renouveler. La régénération viendrait de l’apport de sang neuf des populations immigrées… » Sous l’influence de sa femme, Sarkozy infléchit en effet sa politique dans le sens de la « mixité sociale », de la « diversité ethnique », de la « discrimination positive » et de la France « métissée », rompant ainsi avec son électorat, ce qui devait le conduire à la défaite en 2012.Si Nicolas réintègre l’Élysée en 2017, Carla y retournera à ses côtés.
Hervé Bizien